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Les frêchistes statufient l'histoire...tentons de la démystifier...


Voilà que les statues des Grands Hommes d'Odysséum refont parler d'elles à l'occasion de l'arrivée des cinq nouvelles (article de Midi Libre ci-dessous). Le NPA 34 s'est déjà clairement exprimé sur le sujet en reprenant ce qu'il avait exprimé en 2011 : "Par-delà ce délire narcissique de Georges Frêche, le NPA avait relevé et dénoncé le coût de cette opération pour la collectivité, 1,8 M€, alors même que des besoins criants ne sont pas satisfaits en matière de logement (rénovation de quartiers, développement du logement social) ou concernant la jeunesse. Alors même que le conseil d’Agglo venait de pénaliser la population la plus démunie par une augmentation des tarifs de la TAM avec, en particulier, le passage du forfait annuel de 370€ à 390€ !" (voir le texte intégral du communiqué). Nous voudrions aujourd'hui revenir sur la polémique suscitée, en 2011, par la statue de Lénine et, en ce moment, par celles de Mao et de Golda Meir. Afin de déjouer certains pièges idéologiques de "reconstruction" de l'histoire (1), on trouvera, à la suite de l'article de Midi Libre, des textes "hors air du temps" sur ces trois personnages.

Montpellier. Place des Grands-Hommes : les statues de Meir et Mao font polémique (Midi Libre)

C’est aujourd’hui que les cinq nouvelles statues de la place des Grands-Hommes seront inaugurées. Elles représentent Mao, Nasser, Golda Meir, Gandhi et Mandela. Conformément à la volonté de Georges Frêche, ces imposantes sculptures commandées à l’artiste François Cacheux rejoindront celles de Lénine, De Gaulle, Churchill, Roosevelt et Jaurès.

En 2010, la présentation volontairement provocatrice de ce que l’on peut assimiler à un Panthéon frêchiste avait créé la polémique, essentiellement pour la présence dans cette sélection du révolutionnaire et homme politique russe.

Depuis, la place dite des Grands-Hommes, aménagée entre l’aquarium et le parking d’Odysseum, est tombée dans un anonymat certain et les bronzes de trois mètres de haut n’exercent qu’une faible attraction sur les passants du centre ludique et commercial. Cette inauguration des cinq statues par Jean-Pierre Moure ne provoque d’ailleurs que peu de réactions.
Au sujet du choix de Golda Meir, à l’origine de l’État d’Israël puis Premier ministre, France Palestine solidarité 34 estime qu’il illustre à nouveau "une position de l’Agglo qui soutient la pire politique de l’État hébreu et n’œuvre pas pour une solution juste du conflit et l’établissement d’une paix durable au Proche-Orient".
L’association reproche notamment à Golda Meir sa déclaration de 1969 : "Comment pourrions-nous rendre les territoires occupés ? Il n’y a personne à qui les rendre."

L’érection de la statue de Mao est, elle, dénoncée par la Ligue du Midi, qui, dans un communiqué, évoque "une pantalonnade". Comme par Europe écologie - Les Verts, par la voix de leur secrétaire régional Manu Reynaud : "Au lendemain du discours du Vel’ d’hiv’, comment accepter que des élus de Montpellier rendent un hommage officiel à cet homme ?"


(1) Nous écrivions dans le communiqué du NPA 34 : "L’idée en effet que le rapport de la population à l’histoire passe par un hommage à de grands hommes (et, pour certains, quels hommes !), induisant qu’ils en sont les acteurs essentiels, en lieu et place des peuples, est plus que discutable."

Illustration : la dérisoire et bien vilaine statue que ses admirateurs dédient à Georges Frêche (RUqpJl.jpg)

La troisième mort de Mao (par Pierre Rousset, texte de 2006)

À l’heure des contre-réformes capitalistes, la direction du Parti communiste chinois s’est bien gardée de fêter le trentième anniversaire de la mort de Mao Zedong.

Mao Zedong est décédé le 9 septembre 1976 à Pékin. Trente ans plus tard, l’anniversaire de sa mort n’est évoqué, par le pouvoir chinois, que de façon confidentielle : un concert de chants révolutionnaires au palais du Peuple et quelques rétrospectives historiques dans des magazines… Point de célébrations officielles, silence pesant dans les grands médias. Le parti étant toujours nommé « communiste » et s’affirmant nationaliste, il lui est (encore) difficile de rompre sans ambages avec celui qui incarna la révolution tout à la fois sociale et nationale de 1949. Pour autant, à l’heure des contre-réformes capitalistes et de l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), comment l’État pourrait-il chanter les louanges d’un maoïsme dont le radicalisme égalitaire tend à servir aujourd’hui de drapeau aux oppositions populaires ?

Trop tôt pour dénoncer, trop tard pour louanger, on commence par effacer les traces. Au fur et à mesure des réécritures, la politique – avant tout la politique révolutionnaire – et ses convulsions disparaissent des manuels scolaires au profit d’une histoire apaisée, lissée, d’une Chine nationaliste construisant sa puissance économique. Mao devient ainsi une note en bas de page ! C’est la troisième mort du Grand Timonier.
Peut-on dire que la mort physique de Mao, en 1976, a été précédée, dix ans plus tôt, par sa première mort politique, dans la débâcle de la Révolution culturelle ? La victoire de 1949 avait doté le nouveau régime, le Parti communiste chinois (PCC) et la direction maoïste d’une formidable légitimité. Au fil des crises, cette légitimité s’est érodée. La trahison, par le Mouvement de rectification, en 1957, de la libéralisation initiée an nom de la politique des « cent fleurs » a provoqué une première rupture avec les intellectuels critiques. Le coûteux échec, les années suivantes, du « grand bond en avant » a distendu les liens entre le parti et la paysannerie – et a soulevé bien des questions au sein de l’appareil : le Grand Timonier pouvait donc se tromper, et même lourdement ? 

Tabou

À ses débuts, la Révolution culturelle de 1965-1969 et l’appel de Mao à « faire feu sur le quartier général » pour relancer la dynamique révolutionnaire ont suscité bien des attentes. L’amertume n’en fut que plus grande quand les Gardes rouges ont réalisé à quel point ils étaient manipulés par diverses fractions de l’appareil et quand le Grand Timonier lui-même, face au chaos dans lequel le pays était plongé, s’est rangé auprès de l’armée pour assurer un retour musclé à l’ordre. Avant de céder la place à la « bande des quatre » – dont faisait partie son épouse Chiang Ching –, terrible caricature répressive du maoïsme. La cassure entre Mao et l’aile radicale de la jeunesse et des ouvriers était alors profonde.

La Révolution culturelle a aussi fait voler en éclats le noyau dirigeant du Parti communiste. Quelle que soit la place particulière occupée par Mao (et sanctifiée par le culte de la personnalité), ce noyau était constitué de très fortes personnalités : les Zhou Enlai, Liu Shaoshi, Zu De, Deng Xiaoping, Lin Biao… L’existence d’une telle équipe collective faisait partie, pour beaucoup, du succès du PCC. Son déchirement fractionnel marqua la fin d’une époque, et la fin du rôle pivot joué par Mao. L’histoire chinoise commença à s’écrire sans lui…
Quarante ans après la fin politique de Mao et 30 ans après son décès physique, le PCC aimerait lui infliger une troisième mort, celle de l’oubli, en se débarrassant de son encombrant cadavre historique. Si elle peut affirmer la continuité de l’ambition nationale, l’actuelle direction chinoise rompt radicalement avec l’héritage social de la révolution de 1949, initié par la réforme agraire, le changement de statut de la femme, la politique du « bol de riz en fer », qui assurait aux travailleurs des entreprises d’État la garantie de l’emploi et de nombreux acquis collectifs. Il y a évidemment longtemps que les prétentions égalitaires du maoïsme ont été contredites par l’accroissement des privilèges bureaucratiques. Mais aujourd’hui, alors que le champ doit être laissé libre au capitalisme – ce qui exige un bouleversement inégalitaire de tous les rapports sociaux –, le souvenir de Mao redevient menaçant. La référence au passé maoïste peut en effet légitimer les nombreuses résistances populaires et, aussi, imprimer sa marque sur le débat politique naissant. 

Politiques libérales

Pour une part, ce débat a commencé par opposer, dans les années 1990, selon les termes de Au Loong-yu [1], les « nouveaux libéraux » à la « nouvelle gauche ». Les premiers pensent que les blocages sont essentiellement d’ordre interne. Ils soutiennent avec enthousiasme les privatisations, le licenciement des travailleurs des entreprises d’État, l’OMC et l’intervention étatsunienne en Irak. Ils sont ravis de l’implosion de l’URSS et défendent le marché, ce qui est étranger et occidental, jugeant que l’intégration à la mondialisation est la seule voie pour la modernisation du pays et son accession à la civilisation. On retrouve, sous la seconde appellation, un ensemble très hétérogène de « sociaux-démocrates », de tenants du nationalisme économique ou de maoïstes. Ses porte-parole tendent à dénoncer les dangers externes : l’impérialisme et la mondialisation. Dans la mesure où ils critiquent la direction du PCC (ce qui est rare), ils lui reprochent d’être trop « molle » face à l’Occident. Ils défendent l’État, le national et l’oriental. Ils feront souvent référence à l’héritage maoïste : recherche d’une voie de développement propre, étatisme, valeurs collectivistes. Ils craignent que la désintégration du bloc soviétique n’annonce celle de la Chine et accordent une priorité absolue à la stabilité.

Cette obsession pour la stabilité explique que la « nouvelle gauche » n’a pas repris le flambeau du mouvement démocratique de 1989. Sa critique de la politique officielle s’est, certes, durcie ces dernières années mais si elle dénonce les conditions d’entrée de la Chine dans l’OMC, elle n’en remet pas en cause le principe. La majorité de ses porte-parole se place du point de vue de l’État plus que de celui des résistances sociales. Elle peut donc en épouser le nationalisme. Seule une petite minorité développe un discours plus radical, incluant les références de classe et la critique originelle par le PCC du nationalisme bourgeois.
Les polarisations sociales en cours ne se reflètent qu’imparfaitement dans le débat qui oppose « nouveaux libéraux » et « nouvelle gauche ». Si les premiers représentent effectivement les nouveaux riches, la seconde ne parle pas d’une voix pour les ouvriers et les paysans entrés en résistance. La référence à Mao peut aider à légitimer une opposition aux politiques néolibérales. Mais la reconstruction d’une gauche marxiste nécessitera aussi un retour critique sur l’héritage maoïste lui-même.

Note

1. Lire son article « Chinese Nationalism and the New Left » sur le site d’Europe solidaire sans frontières : Chinese Nationalism and the ‘New Left’ « http://www.europe-solidaire.org/spi... ».

* Paru dans Rouge n° 2174 du 28 septembre 2006.

Texte sur le site d'Europe Solidaire Sans Frontières : La troisième mort de Mao

 Sur Golda Meir



Tiré de L'Ennemi intérieur: Israël-Palestine (par Maurice Rajsfus). Voir d'autres extraits ici.

Lénine et la politique selon Daniel Bensaïd

Daniel Bensaïd aimait citer la formule de Lénine «la division en classe est, certes, l’assise la plus profonde du groupement politique […] mais cette "fin de compte", c’est la lutte politique qui l’établit.» Tout en étant un héritage du marxisme, elle souligne l’apport spécifique de Lénine sur la spécificité de la politique.
Dès Le Manifeste communiste, Marx et Engels expliquent que le prolétariat doit prendre le pouvoir politique, afin de s’ériger en classe dominante. Et, à la lumière de la Commune de Paris, Marx insiste sur le fait qu’il faudra briser l’appareil bureaucratique de l’Etat pour mettre en place une démocratie similaire à celle des communards insurgés. Marx s’intéresse donc à lutte politique, tout en étant vigilant quant aux nouvelles formes d’invention démocratique.

Mais il le fait, pour reprendre la formule de Daniel Bensaïd, dans le cadre d’un certain «déterminisme sociologique». Le développement industriel et la croissance de la classe ouvrière, en nombre et en conscience, portent un mouvement historique dont la dynamique règlera d’elle-même l’accès du prolétariat au pouvoir politique. A la fin du siècle cette problématique va s’amplifier, selon une logique gradualiste, avec le développement de la IIe Internationale, ses partis de masse (notamment en Allemagne) et l’évolution vers le suffrage universel. Des courants critiques (Rosa Luxemburg, le jeune Trotsky) se méfient de ce qu’ils estiment être un opportunisme. Sans pour autant remettre en cause ce «déterminisme sociologique», ils mettent l’accent sur l’auto-développement du prolétariat en force et en conscience à travers les mobilisations de masse (notamment la grève générale).

La politique du prolétariat – et la politique tout court – est donc, d’une part, prise dans une temporalité linéaire et, d’autre part, elle apparaît comme un simple prolongement organique du mouvement économique. Ainsi comprise, la politique ne relève pas d’une stratégie, elle se contente de réaliser ce qui est déjà là, inscrit de façon inconsciente dans les rapports sociaux, d’une problématique de la prise de conscience et du dévoilement.

Lénine a rompu avec cette approche sur – pour ce qui nous concerne ici – deux points. Tout d’abord, le fait que la politique n’est pas le simple prolongement de la lutte sociale et économique : elle n’est pas le produit d’un simple conflit entre l’ouvrier et le patron, mais de la confrontation de l’ensemble des classes dans la société. Non seulement la politique présente une certaine autonomie par rapport au socio-économique, mais elle a une fonction structurante du social. La politique a donc sa propre épaisseur sociale, ses propres institutions, son propre langage à décoder qui n’est pas seulement l’ombre portée de l’économique. Et cette analyse politique de la société est un élément déterminant pour comprendre les possibles dynamiques d’ensemble des luttes de classes. Ainsi comprise, la spécification du niveau politique est donc un élément-clé de la pensée stratégique, qu’il convient d’articuler avec le concept de crise systématisé par Lénine sous le choc de la guerre d’août 1914.

Lénine ne se contente pas de critiquer le gradualisme de la IIe Internationale (en particulier de Kautsky) pour engager une réflexion sur l’Etat qui va aboutir à L’Etat et la Révolution. Il élabore également le concept de crise révolutionnaire, qui va devenir un élément de l’élaboration stratégique. Sans ériger celle-ci en modèle, il indique trois indices: ceux d’en haut ne peuvent plus gouverner comme avant, ceux d’en bas ne veulent plus être gouvernés comme avant, ceux du milieu hésitent.

La politique est en permanence centrale. Lénine décrit en fait une crise politique du système de domination. Ce qui explique qu’il parle souvent de «crise nationale», étant donné la place occupée alors par l’Etat national dans la domination. Sur cette base se développe une logique de double pouvoir. Tout cela ne relève donc plus d’une temporalité linéaire se développant dans un espace homogène. Non seulement la politique a une temporalité propre, mais la crise exprime un «temps brisé», selon une formule de Daniel Bensaïd, dans un espace différencié lui aussi en crise (double pouvoir). Et rien n’est jouéd’avance : d’où l’importance accordée par Lénine au parti pour dénouer positivement la crise.

Tiré de Daniel Bensaïd ou la politique comme art stratégique (par Antoine Artous, Contretemps n°7)











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