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Amiens. Quartier populaire révolté par le comportement de la police que Valls, égal à lui-même, soutient inconditionnellement !

A lire ci-dessous l'enquête du Monde : " Ce soir-là, ils sont venus nous provoquer comme des cow-boys "

Émeutes à Amiens : l'inquiétante banalisation de la violence sociale (NouvelObs)

 La nuit dernière, Amiens a été le théâtre de violents affrontements entre la jeunesse et la police, suite à un contrôle de police un peu musclé. Des émeutes qui font écho à celles de Clichy-sous-Bois ou Villiers-le-Bel en 2005 et 2007. Alain Bertho, anthropologue spécialiste de ces phénomènes, nous met en garde contre la banalisation de cette violence, reflet d'un climat social alarmant.


Une grande tension entre les jeunes et l'État

Cette tension extrême entre une jeunesse stigmatisée, défavorisée et l'État, représenté par la police a pu prendre des dimensions plus dramatiques. On se rappelle les émeutes qui ont suivi, dans toute la France, la mort de Bouna Traoré et Zyed Benna dans le transformateur de Clichy-sous-Bois en octobre 2005.

Plus localisée, l’émeute qui avait secoué Villiers-Le-Bel en 2007 après la mort de Mushin et Larami avait été d’une grande violence. Mais le contentieux se vit aussi au quotidien, dans de multiples humiliations, de très nombreux accrochages forts bien décortiqués dans le documentaire de Marwan Mohamed et Samuel Luret de 2010 ("la tentation de l’émeute", ARTE-Morgane production). Et le contentieux s’élargit car les jeunes aujourd’hui impliqués n’étaient encore que des enfants en 2005…

Un phénomène mondial

Lorsque l'on suit un peu attentivement le phénomène, on s’aperçoit que les échauffourées, sinon les émeutes, sont très fréquentes et ne font pas souvent la une des journaux. C’est ici un autobus qui brûle, là des jets de pierre et de bouteilles, ailleurs des voitures incendiées… Le 24 mai, c’est encore la mort d'un jeune à Massy qui a provoqué des affrontements. Cette situation est particulièrement grave en France mais n’est pas propre à notre pays.

Dans le monde depuis 2001, plus de 100 émeutes ont suivi la mort d’un jeune dans laquelle la responsabilité des forces de police était impliquée. Sur tous les continents. On en a eu un exemple à Londres il y a à peine un an, comme à Sidi Bouzid le 17 décembre 2010.

Une banalisation inquiétante

L’émeute nous rappelle régulièrement au réel de cette blessure sociale. Mais le réveil ne dure jamais longtemps.

On en parle pendant trois jours, puis on oublie. Le mot que l'on pourrait employer, c'est la "banalisation". Non qu'il soit "banal" d'affronter la police, avec tous les risques que cela comprend, moins pour sa vie en France que pour des suites judiciaires qui peuvent abolir tout avenir : ces jeunes se mettent gravement en danger pour exprimer une rage, un sentiment d’injustice qu’on ne leur donne pas la possibilité d’exprimer autrement.

Mais parce que l'histoire se répète dans une sorte d’indifférence tranquille.

Propos recueillis par Louise Pothier

  
Le ministre de l'Intérieur a été pris à partie par des habitants des quartiers nord de la ville [Amiens], qui dénoncent le comportement de la police. [...]

La mère et la sœur du jeune homme [mort jeudi dernier] sont sorties de leur entretien avec le ministre aussi en colère qu’avant de le voir. «Il n’a parlé que des policiers blessés pour dire que c’était intolérable. Il ne s’intéresse pas au fait que les policiers nous traitent comme des animaux. Ils nous ont gazé, caillassé. C’est pour ça que les jeunes du quartier sont en colère. Et, ça il n’en parle pas. Il ne fait que condamner les violences», explique la mère, relayant les propos des jeunes mais aussi de très nombreux habitants présent dans le quartier.

Lire l'intégralité de l'article de Libération ici
  

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REPORTAGE

" Ce soir-là, ils sont venus nous provoquer comme des cow-boys "

Amiens. Envoyée spéciale (Le Monde)

Dans le quartier de la Briquetterie à Amiens-Nord, les stigmates des violences des nuits des 12 et 13 août sont encore visibles. Les cadavres de poubelles fondues collent au bitume. La salle de musculation a été incendiée, tout comme l'école maternelle Balzac, dont les fenêtres sont condamnées par des planches. Ici et là, des voitures calcinées ou du mobilier urbain dégradé. Mardi 14 août, quelques habitants sont réunis autour du kiosque, sous les arbres, et la tension est palpable. Un adolescent trouble ce calme fragile en traversant l'esplanade sur sa mini-moto.

Le quartier est en ébullition depuis le début du mois d'août. Mais la situation s'est brutalement dégradée après des incidents survenus lors d'un repas de deuil organisé dimanche par la famille de Nadir, 20 ans, mort jeudi 9 août dans un accident de moto. Assise dans le salon familial, la soeur de Nadir, Sabrina, 22 ans, raconte comment cette cérémonie a été troublée par les forces de l'ordre : " Nous étions tous réunis sur la terrasse de la maison de ma grand-mère lorsque les CRS sont arrivés. Tout l'après-midi, ils rôdaient ici, mais nous n'avons pas fait attention à eux. "

Les policiers contrôlaient un jeune homme qui conduisait en sens interdit. " Le contrôle a été très agressif. Mon père et mon oncle sont sortis pour leur demander de partir et de respecter notre deuil. Puis ça a dégénéré, la brigade anticriminalité nous a gazés avec des bombes lacrymogènes alors qu'il y avait des femmes et des enfants. "

L'un des invités montre sa blessure à la tempe, une bosse rouge et bleue, à la suite, assure-t-il, d'un tir de flash-ball. Les allées et venues des amis, de la famille, sont incessantes dans cette maisonnette au milieu des tours. Tous confirment la version de la famille. Fatma Hadji, la mère de Nadir, ne décolère pas. " Avec les gendarmes mobiles, tout se passait très bien. Ce soir-là il n'y avait pas lieu de faire un contrôle. Ils sont venus nous provoquer comme des cow-boys. "

Dialogue de sourds

Les quartiers d'Amiens-Nord sont fragiles, ce qui a justifié leur classement dans les quinze zones prioritaires de sécurité, annoncées par Manuel Valls, le 4 août. Amiens-Nord est aussi une zone urbaine sensible (ZUS) et rassemble les critères des quartiers en difficulté : dans les ZUS de la ville le revenu fiscal moyen est inférieur à 9 000 euros, le taux de chômage dépasse 24 %, et la part des ménages non imposables tourne autour de 63 %.

Mme Hadji retrace en quelques phrases la vie de son fils. Il travaillait dans la restauration et aimait passer du temps dans la salle de sport incendiée. Elle reconnaît qu'il a eu affaire à la justice. Mais jure-t-elle, il s'était assagi.

Mardi, Mme Hadji et sa fille ont été reçues par Manuel Valls, le ministre de l'intérieur à l'Atrium, l'antenne de la mairie de quartier au coeur d'Amiens-Nord. Une rencontre décevante et " injuste " : " C'était un dialogue de sourds. Les forces de l'ordre ont commis l'irréparable, mais il n'est pas question pour le ministre d'y toucher. Il oublie la nuit de dimanche. On a été gazés comme des sauvages, comme des bêtes. "

Lors de la visite du ministre de l'intérieur, une centaine de personnes s'est massée aux abords de l'Atrium. Les jeunes sont remontés, peu enclins à parler. L'un d'eux, amer, raconte les contrôles de police incessants, le sentiment de ne pas être respecté, le manque de dialogue avec la police, l'absence de perspectives, le chômage...

Nawel, une amie de la famille qui " considérait Nadir comme son fils ", est consternée par les scènes de violence : " Ceux qui ont brûlé la salle de musculation ce ne sont pas nos jeunes. Ils y sont tous abonnés car il n'y a rien d'autre pour eux. "

Les jeunes des quartiers alentours se sont greffés aux affrontements. Amiens-Nord est régulièrement sujet à des pics de tension. En octobre 2010, une dizaine d'habitants avaient caillassé les policiers pendant une nuit, sans raison précise, ou connue. Un an plus tôt, en mai 2009, ce même quartier avait déjà été le théâtre de violences après la mort d'un jeune motard pourchassé par la police. En février, une voiture de la police municipale a été incendiée, puis un second véhicule a subi le même traitement, et une quinzaine d'habitants du quartier ont affronté les policiers à coup de projectiles.

Aujourd'hui, Fatma Hadji ne croit pas que ces troubles vont s'apaiser : " La France va bouger. On est rien ici. Les jeunes sont déjà mal dans leur peau, ils n'ont rien à perdre ", prophétise-t-elle. Mardi soir, 250 agents étaient déployés sur le terrain pour tenter de ramener le calme à Amiens-Nord.

Faïza Zerouala
© Le Monde

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