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Sumène, le FN progressant sur les dégâts de la crise capitaliste, il faut d'urgence des réponses anticapitalistes !

 


ZONES FRAGILES – Sumène, à maux couverts

(par Benoît Hopquin, Le Monde )

Un jour de juin, à Sumène, bourg charmant lové dans l’écrin des Cévennes, cité tranquille alignant ses vieilles maisons de guingois les pieds dans le lit du Rieutord, 288 habitants se rendirent aux urnes et déposèrent un bulletin du Front national lors du second tour des élections législatives. Comme un bon tiers des 1356 inscrits n’avaient pas trouvé de raisons suffisantes de se déplacer, Sybil Vergnes, candidate "bleu Marine", se trouva nantie de 33% des suffrages exprimés, battue en duel par le député PS sortant, William Dumas.
"Ici, ce n’est pas un problème de délinquance, d’immigration, constate Ghislain Pallier, maire sans étiquette de la commune. Il faut chercher ailleurs la raison du ras-le-bol." Il sourit, hésite, évoque une piste. "La population a bien changé."


© Julien Goldstein

A la tête d’une entreprise de terrassement, Ghislain Pallier est né à Sumène (Gard). "J’ai connu la période où les gens partaient", dit-il. Pendant des décennies, le déclin de l’agriculture montagnarde, la fermeture des mines de charbon, la décrépitude de l’industrie de la bonneterie ont saigné la région. On ne comptait plus les maisons, les mas ou les terres laissés à l’abandon ou confiés au gardiennage fatigué des anciens.
Sumène profite désormais de l’embellie démographique que connaissent les Cévennes depuis quelques années. Le bourg compte aujourd'hui 1650 habitants, gagnant 200 habitants en dix ans. Plus guère de maisons restent inhabitées et des pavillons neufs se construisent là où la pente le permet. Les façades de la vieille ville sont ravalées et retrouvent du lustre et de la vie.

"Je suis né en 1961, quand les Cévennes étaient en train de mourir. C’était la fin d’un monde, décrit par Jean-Pierre Chabrol. Il y a aujourd’hui une revitalisation", raconte Patrick Cabanel, professeur d’histoire contemporaine à l’université Toulouse-Le Mirail. Cet autochtone, auteur d’un docte Que sais-je sur sa région, mais aussi d’une ode amoureuse, Cévennes. Un jardin d’Israël (La Louve éditions, 2006), évoque un pays de caractères trempés, d’âmes fortes à la Giono. Une traditionnelle terre d’exil aussi, pour les persécutés, les exclus ou les contestataires.



© Julien Goldstein

Interrompu alors qu’il fauchait un pré dans son havre montagnard, il décrit les nouvelles populations qui se sont installées et "ont changé la culture de ce pays".

Il y a les vacanciers parisiens ou nord-européens qui ont retapé à grands frais les vieilles pierres pour en faire d’avenantes villégiatures.  "Ils ont contribué à une lubéronisation des Cévennes", explique l’universitaire. Ils portent chapeaux de paille et espadrilles mais avec trop d’affectation et suscitent parfois les jalousies, avec leurs belles piscines et leurs grosses voitures.


Ont débarqué aussi des jeunes en mal d’un mode de vie alternatif. "Des babas cool qui ne gagnent pas des mille et des cents", résume Ghislain Pallier. Ils ont posé ici leur sac à dos et leur ordi, fils ou plutôt petits-fils spirituels des soixante-huitards qui s’installèrent naguère avec plus ou moins de succès. Ils gravitent dans le milieu associatif ou socioculturel, ouvrent des boutiques colorées ou bio, ont inauguré un centre d’art dans un local prêté par la mairie.


Ils sont en partie à l’origine des Transes cévenoles, un festival de musique et d’arts de la rue qui draine chaque fin de juillet, depuis quinze ans, des milliers de spectateurs. Ils animent aussi la vie sociale de Sumène. Ils se retrouvent le soir sur les bancs du Bar de la Place, restent jusqu’à des heures avancées à refaire le monde parfois en grand tapage.



© Julien Goldstein

"A cette immigration d’utopie s’ajoute une immigration de crise", poursuit Patrick Cabanel. Des "investisseurs" ont racheté une bouchée de pain de vieilles bâtisses insalubres, les ont grossièrement retapées et divisées en appartement. Ils les louent entre 350 et 450 euros par mois à des populations qui vivent de l’aide sociale. "C’est la CAF qui paye directement le loyer", explique Ghislain Pallier.

Nîmes, Montpellier ou d’autres grandes villes déversent ainsi dans ce coin de montagne leur trop-plein de misère. Le maire voit régulièrement arriver ces nouveaux administrés, pour la plupart d’origine européenne. Dernièrement, une femme a débarqué de Dieu sait où dans un camion aménagé et lui a demandé si elle pouvait s’installer sur un parking avec son chien, en attendant de trouver un vrai pied-à-terre. "Ils ne sont pas plus de cent à Sumène, relativise l’élu. Mais c’est une population qui apporte parfois des problèmes, d’alcool, de bagarre, de querelles de voisinage. Des gens seuls débarquent avec plusieurs chiens dans des appartements."


Il est une dernière catégorie de nouveaux arrivants. Des salariés modestes fuient les grandes agglomérations, viennent chercher la tranquillité et des prix encore abordables. Faute d’emplois sur place, ils travaillent à Montpellier ou à Nîmes, à trois quarts d’heure en voiture, long trajet qu’ils font soir et matin comme un pensum. Ils partent à l’aube, reviennent à la nuit, se mêlent peu de la vie du bourg. "Ces nouvelles populations arrivent à l’écart des vieux villages, dans des lotissements banals, des clones de Carpentras ou de Saint-Gilles, constate Patrick Cabanel. Elles ont apporté avec elles le vote FN."

 
Signe de ce bouleversement sociologique, un tiers des habitants des Cévennes y vivent depuis moins de dix ans. Laurent Rieutort, 47 ans, professeur de géographie à l’université Blaise-Pascal, à Clermont-Ferrand, originaire de la Lozère voisine, a étudié cette migration et ses conséquences. "On assiste à une turbulence énorme, à des flux problématiques. Nous sommes dans des territoires économiquement fragiles. Or, il y a aujourd’hui beaucoup d’installation de personnes en situation précaire. Un nouvel arrivant sur cinq est au chômage. 80% viennent d’un milieu urbain et n’ont aucune attache locale."


© Julien Goldstein

"On aboutit à une société explosée", conclut l’universitaire. "Ça va péter", prédit même Sybil Vergnes, 45 ans, l’ancienne candidate FN. Elle aussi est née à Sumène et en est partie quand il n’y a plus eu de travail. Cette femme issue d’une famille socialiste s’est installée près de Marseille où trois agressions l’ont convertie à d’autres idées. Elle est revenue chercher la tranquillité à Sumène où elle a ouvert une épicerie et fait construire une jolie maison dans un lotissement.

Ce jour-là, elle a convié chez elle son voisin et directeur de campagne, Sébastien Bocquet. Ce Nordiste âge de 42 ans est un ancien légionnaire qui, après quinze ans de "crapahut" de Sarajevo à l’Afrique, s’est fixé dans le Sud, a vécu près de Nîmes avant de se poser à Sumène. Pour compléter sa pension de 1000 euros, il travaille à Montpellier comme employé du tramway.


Pendant deux heures, les deux militants vont décliner les thèmes traditionnels du FN ou ceux chipés à l’actualité : l’immigration, la délinquance, la fermeture des services publics, etc. Mais il en est un qui, dans les Cévennes, fait mouche plus que les autres : le rejet de l’assistanat.


La région a toujours vécu, chichement mais orgueilleusement, de son labeur. "Le travail y a toujours été mis en avant", constate Laurent Rieutort. "L’arrivée d’une immigration blanche assistée crée un vrai choc de civilisation", ajoute Patrick Cabanel.



© Julien Goldstein

Alors Sybil Vergnes affirme porter la parole de ceux qui "travaillent, cotisent, n’ont droit à rien". "On montre les pauvres qui sont au RSA, assure-t-elle. On ne montre pas le Français moyen qui vit avec un smic et ne s’en sort pas. On ne montre pas le vieux qui a une petite retraite et n’arrive pas à la fin du mois. Dans mon épicerie, vingt ou trente personnes ont une ardoise et, à partir du 20, demandent à payer le 7 du mois suivant. Et le nombre augmente sans cesse."

A côté, les "cas sociaux" auraient la belle vie, à l’entendre. "Ce ne sont pas des gens qui veulent trouver du travail car aujourd’hui, on a plus de chance de trouver un logement en ne travaillant pas et en se le faisant payer par la CAF. Il n’y a pas assez de différences entre ceux qui gagnent le smic et ceux qui vivent des allocations."


Sébastien Bocquet raconte la vie qui devient plus chère et les salaires qui ne suivent pas. Il évoque le coût de l’essence, les 300 euros qu’il dépense en pleins chaque mois et qui grèvent son salaire de 1700 euros. Sa pension militaire a été récemment amputée de 80 euros en raison de prélèvements supplémentaires. "Pour les RMistes, tout va bien, affirme-t-il. Ils ont la CMU, se font rembourser intégralement tous les soins médicaux quand nos anciens ne sont même plus soignés. Les retraités, les salariés doivent payer pour un appareil dentaire quand eux ont leur céramique gratuitement."


Sybil Vergnes assure que le discours contre l’assistanat passe de mieux en mieux. William Dumas reconnaît beaucoup l’entendre. "Ici, les gens ne pensent même pas à demander ce à quoi ils ont droit, assure le député. Alors critiquer ceux qui profitent du système, c’est un discours qui accroche dans un pays pauvre. Les gens sont choqués : ceux-là, ils ne font rien et ils gagnent presque autant que nous. Ça va de la cantine gratuite au RSA. Le FN joue sur cet antagonisme."


Ghislain Pallier entend aussi régulièrement ce discours. "On dit: “Qu’ils aillent un peu travailler.”" L’entrepreneur s’agace lui-même d’avoir du mal à trouver de la main-d’œuvre. "Maintenant, bien sûr qu’il y en a qui profitent du système, mais il ne faut pas généraliser."



© Julien Goldstein

Ces antagonismes n’empêchent pas Sumène de continuer à couler des jours paisibles. En apparence, tout va bien. Mais Sybil Vergnes se plaint des doigts d’honneur que des jeunes lui adressent parfois quand elle circule dans sa Mercedes. Son épicerie a perdu 40% de son chiffre d’affaires depuis qu’elle s’est présentée sous la bannière du FN. Pendant la campagne, une voiture bélier a même enfoncé la vitrine de son magasin. Des slogans anti-FN ont été badigeonnés sur des bâtiments.

Les frontistes accusent à demi-mot la "faune", les "parasites sociaux" qui graviteraient autour des Transes cévenoles, mettant dans un même sac les punks à chien, les écologistes, les altermondialistes ou les jeunes d’origine immigrée de Ganges (Hérault), la ville voisine. Les organisateurs du festival préfèrent ne pas répondre à ses attaques. "On est à deux doigts de la manipulation", ironise l’un d’eux.


En juillet, le FN a recouvert les affiches des Transes cévenoles par des portraits de Marine Le Pen, aussitôt couverts à leur tour par de nouveaux placards des organisateurs. Cette guerre des nerfs se joue pour l’heure à coups de brosses et de pots de colle. Mais récemment, dans un hameau voisin, un homme a tiré sur des jeunes qui volaient de l’essence dans le réservoir de sa voiture. "Ça va mal finir. Les gens ont tous un fusil ici. Les Cévennes, c’est la Corse sans la mer", assure Sébastien Bocquet."


"Il y a des frictions, bien sûr, mais il ne faut pas les exagérer. Pour le moment, ça tient. Tout le monde coexiste", tempère Ghislain Pallier. Le maire rappelle que la plupart des actes de délinquance élucidés étaient le fait de jeunes extérieurs au bourg. "Il y a moins de tolérance dans notre société, moins de respect d’autrui, constate-t-il cependant. Je suis parfois appelé pour des banalités, des histoires de bruit qui se seraient hier arrangées entre voisins." Les nerfs sont à vif. La crise n’y est pas pour rien. Le maire de Sumène sait que sa petite commune est prise dans un tourbillon qui lui échappe largement. "Si nous devions nous retrouver dans la situation de la Grèce ou de l’Espagne, cela pourrait encore dégénérer."


L'article sur le site du Monde


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Le FN, son succès et les droites extrêmes en Europe

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La troisième place de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle française (22 avril 2012), qui améliore en nombre de voix le score de son père obtenu en 2002, s’inscrit dans une dynamique de fond, à l’échelle de l’Europe tout entière. L’épuisant feuilleton de la crise économique, surgie à l’été 2007, et encore loin d’être achevé, fournit un terreau idéal à l’essor des droites extrêmes sur le continent.

Un taux de chômage à plus de 10 %, d’impopulaires programmes d’austérité pour répondre à la pression des « marchés financiers », des plans de sauvetage mirobolants pour sauver des États membres au bord de la banqueroute, des gouvernements d’experts installés ici ou là sans légitimité démocratique… Marine Le Pen ne s’y est pas trompée, qui a fait de la sortie de l’euro l’un des axes de sa campagne à succès, et n’a eu de cesse de surfer sur l’essoufflement du projet européen.


La candidate frontiste a ainsi usé de méthodes déjà expérimentées ailleurs sur le continent. Au printemps 2011, la percée des « Vrais Finlandais » (19 % aux législatives) a marqué l’apparition, pour reprendre une étiquette en vogue à l’époque, d’un « populisme triple A ». La formation nordique s’est très tôt opposée aux plans de sauvetage à la Grèce ou au Portugal, refusant que les Finlandais aient à prêter de l’argent à leurs voisins appauvris du sud de l’Europe. Ce parti avait également promis, en cas de victoire, le blocage du Fonds européen de stabilité financière (précurseur du Mécanisme européen de stabilité, le MES, en cours de ratification). Autant de positions qu’a reprises Marine Le Pen durant sa campagne.


Quelques mois plus tôt, en septembre 2010, ce sont les Démocrates de Suède, une autre formation « populiste de droite », qui entraient, pour la première fois de l’histoire, au Parlement. En Norvège, l’attaque terroriste menée par Anders Breivik à Oslo a certes fait perdre quelques points au Parti du progrès lors de scrutins locaux, mais son implantation reste importante.


La vigueur de ces partis « constitue l’illustration la plus manifeste de l’érosion de l’idéologie sociale-démocrate et de ses idéaux universalistes au sein des sociétés nordiques », écrit Cyril Coulet dans un article de la revue Hérodote qui consacre son dernier numéro à l’extrême droite en Europe. Au fond, la poussée de la droite extrême en Scandinavie serait, si l’on poursuit le raisonnement, le symétrique de l’affaiblissement de social-démocraties malmenées par la crise.


« Des mouvements similaires au Front national sont en phase d’ascension électorale, mais l’on trouve également des pays où la tendance est inverse. Si bien que l’on ne peut pas parler d’une déferlante de l’extrême droite en Europe du fait de la crise », nuance Jean-Yves Camus, chercheur à l’Iris. « C’est beaucoup moins uniforme qu’il n’y paraît. »


Certaines formations traversent en effet de mauvaises passes. En Belgique, le Vlaams Blok, devenu Vlaams Belang, s’est fait marginaliser par le succès de la N-VA du flamand Bart de Wever, un parti au logiciel (légèrement) moins extrémiste. En Italie, la Ligue du Nord d’Umberto Bossi est minée par une série d’affaires de corruption.

Irlande, Islande, Espagne, des exceptions ?


Plus significatif, des pays européens frappés de plein fouet par la crise semblent, eux, épargnés par ces processus de radicalisation. L’Irlande, dont la dette publique a explosé à cause du sauvetage de son système bancaire, n’est pas concernée, et la crise semble plutôt profiter à un parti d’opposition de gauche comme le Sinn Fein. Même constat en Islande, alors que l’île a frôlé la banqueroute et connu un vif mécontentement populaire pendant plus d’un an.


En Espagne, où le taux de chômage dépasse aujourd’hui 23 %, l’extrême droite reste discrète, avalée par le Parti populaire au pouvoir. Depuis quelques années se développent des formes de régionalisme radical, en Catalogne par exemple, qui peinent à dépasser les frontières de leur communauté autonome. En Grande-Bretagne, c’est le mode de scrutin qui complique la donne du British National Party de Nick Griffin.


Si la violence de la crise économique en Europe explique en partie la vigueur de bon nombre de formations d’extrême droite, elle n’est pas non plus la seule responsable. La force du FN et de partis similaires en Europe s’ancre aussi dans un patient travail de normalisation, qui n’a pas attendu les premiers craquements de la crise pour s’enclencher. Une légitimation qui s’explique par un triple mouvement.


D’abord, plusieurs leaders d’extrême droite, tels Marine Le Pen en France ou Geerts Wilders aux Pays-Bas, ont entamé, et réussi, une entreprise de dédiabolisation de l’extrême droite, en renonçant aux propos sexistes, racistes, antisémites voire négationnistes portés depuis les années 1980 par un Jean-Marie Le Pen, un Filip Dewinter (leader de l’ancien Vlaams Blok en Belgique) ou même un Umberto Bossi (Ligue du Nord en Italie). « Les partis d’extrême droite qui réussissent en Europe sont ceux qui ont réussi leur dédiabolisation », confirme Jean-Yves Camus.


Ensuite, des fractions de plus en plus considérables des droites classiques ont adopté, repris, voire accentué les thématiques portées par l’extrême droite. La circulation des idées et des hommes n’est pas une nouveauté. Longuet, Villiers ou Madelin, venus de l’extrême droite, sont passés au Parti républicain dans les années 1970 et le Club de l’horloge s’est créé, dans ces mêmes années, comme lieu de rencontre entre droite et extrême droite.

La mue de Geerts Wilders


Mais l’héritage gaulliste de la droite française, comme le rappelait la sociologue Annie Collovald, permettait l’existence d’une « barrière symbolique qui empêchait de l’afficher de manière visible et revendiquée. Il y avait des discours de principe refusant les alliances ou connivences avec le FN. Ces prises de position, même symboliques, étaient très importantes, songeons à Jacques Chirac refusant hautement toute relation avec le Front national. » Cette digue a été brisée par l’UMP de Nicolas Sarkozy, comme par d’autres droites européennes.


Enfin, comme l’a montré, en France, un certain isolement du Front de Gauche dans son affrontement direct avec la candidate frontiste, plusieurs gauches gouvernementales européennes n’ont pas rompu sans ambiguïté avec les politiques qui ont facilité ce basculement vers la droite la plus dure. Tétanisées par une extrême droite se drapant dans l’image de représentant du peuple souffrant, inquiètes de fâcher un électorat souverainiste de gauche sur les politiques migratoires, soucieuses de ne pas heurter un électorat « laïque », quitte à évacuer le caractère multiculturel des sociétés européennes, elles se sont souvent contentées d’emboîter le pas aux rhétoriques droitières sur la sécurité, l’immigration ou le communautarisme, sur un mode mineur, apparemment compatible avec « l’esprit républicain ».


Au-delà de configurations nationales variables, d’autant plus importantes pour des partis d’extrême droite qui ne pensent qu’à l’intérieur de leurs frontières, la lutte contre l’extrême droite à l’échelle européenne suppose de bien cerner les nouveaux visages qu’elles affichent. Et c’est sans doute Geerts Wilders, aux Pays-Bas, la figure centrale du Partij voor de Vrijheid, qui incarne le mieux cette rénovation, poursuivie par le FN de Marine Le Pen.


Son propos est articulé dans un registre qui tente de respecter un certain nombre de valeurs importantes aux Pays-Bas, patrie de la tolérance. Mais, comme l’écrit Jérôme Jamin, philosophe et politologue à l’Université de Liège, dans la revue Vacarme : « sa force réside surtout dans deux manipulations intellectuelles habilement déguisées en bon sens populaire. La première consiste à argumenter dans un registre à la tonalité progressiste, voire féministe, ou en défense des droits des homosexuels, contre le Coran et par extension contre tout ce qui relève de près ou de loin du monde arabo-musulman. La deuxième vise aussi à emprunter un discours raciste sous couvert du droit bien légitime à la critique des religions ».


Le leader hollandais, à l’instar de Marine Le Pen qui s’est fait le chantre de la laïcité, rejette ainsi l’islam, figure emblématique de l’étranger, sur un registre différent de celui que nous sommes habitués à entendre depuis le début des années 1980, lorsque l’Europe a été confrontée aux premiers discours critiques voire hostiles à l’immigration et plus particulièrement à certaines catégories d’immigrés issus des pays du Maghreb.


Joseph Confavreux et Ludovic Lamant


Cet article est paru sur le site Mediapart le 23 avril 2012, et repris sur le site de A l’encontre et celui d’Europe solidaire sans frontière.


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