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Salles de shoot. Quand Montpellier était à l'avant-garde...


Hérault. Salle de shoot : l’expérience oubliée de Montpellier
FRANÇOIS BARRÈRE
Midi Libre 02/11/2012, 06 h 00

  Illustration NPA 34

Une salle de shoot a fonctionné en 1994 et 1995 à Montpellier, bien avant les projets d’ouverture que vient d’annoncer Marysol Touraine, ministre de la Santé. L'association  Asud-Montpellier distribue alors seringues et kits de prévention aux toxicomanes. La salle de shoot finira par fermer après le malaise d'une adolescente en juillet 1995.


A Montpellier, Estelle Dolé, 51 ans, n’a pu s’empêcher de sourire en entendant il y a dix jours l’annonce choc de Marisol Touraine sur les salles de consommation de drogue : "J’espère que des expérimentations pourront être lancées avant la fin de l’année."

Ok, c’était un peu branquignol, notre truc

Car il y a dix-huit ans, Estelle a déjà mené cette expérience éphémère à Montpellier : créer une salle de shoot, la seule jamais ouverte en France. "On l’a fait à un moment où les politiques n’étaient pas prêts. Ok, c’était un peu branquignol, notre truc. Mais, au moins, on a essayé, en sachant bien qu’à la moindre faille, on allait se casser la figure."

Retour en arrière. A la fin des années 80, l’épidémie de HIV frappe de plein fouet les toxicomanes français, contaminés en partageant les seringues, dont l’achat était interdit jusqu’en 1987. En avoir une sur soi est alors suspect : "A l’époque, les flics de Montpellier cassaient les seringues quand ils contrôlaient un tox."

"On ne pouvait pas laisser les gens se shooter dans la rue"

A la tête d’Asud-Montpellier (1), Estelle s’installe, le 26 décembre 1993, rue de la Loge, avec une table, et distribue seringues et kits de prévention à ceux qui osent s’approcher. "On est restés là, dignes, dans le froid", se souvient-elle. Asud multiplie ensuite actions de rue et contacts avec les pharmaciens, les policiers.
A l’époque, Médecins du Monde veut installer un bus d’échange de seringues aux Arceaux, le CHU travaille sur un programme méthadone. A Asud, on pousse la logique jusqu’au bout : "On ne pouvait pas donner des seringues et laisser les gens se shooter dans la rue."

A l’été 1994, Estelle Dolé et d’autres membres d’Asud partent s’informer en Suisse et en Hollande où existent déjà les salles d’injection. "On a trouvé un vide juridique qui existe toujours : en France, il n’est pas illégal de s’injecter un médicament de substitution."

"Il aurait fallu être plus diplomate, mais l’urgence était là" Estelle Dolé

L’idée est de réduire au maximum les risques encourus par les toxicomanes, et de leur offrir une pause dans leur vie précaire. "C’était simplement une mesure d’hygiène. Le consommateur n’a pas envie d’être vu en train de se faire son shoot, et les gens ne veulent pas le voir."

Début octobre, à l’occasion d’un important colloque sur la toxicomanie, Estelle Dolé créée l’événement : "On a annoncé qu’on ouvrait ce jour-là la salle de shoot." Elle se trouve dans une petite maison, au 28 de la rue du Pont-de-Lattes, près de la gare. Une bâtisse léguée en héritage à la mairie par une retraitée, à condition qu’elle ait un usage humanitaire. "Aides avait renoncé à y faire un lieu d’accueil. On a récupéré le lieu."

Entre 70 et 100 personnes par jour

Une simple pièce au rez-de-chaussée, avec une sortie de secours. Une table, un container de récupération de seringues. "Les gens venaient de 13 h à 18 h, ils attendaient leur tour, faisaient leur truc, avec du matériel propre. Bien sûr, on n’allait pas vérifier ce qu’il y avait dans leur seringue. Quand ils avaient fini, ils buvaient un café, prenaient une douche, mangeaient un bout. Ils pouvaient papoter, refaire le monde, ou piquer du nez." Selon Estelle Dolé, "entre 70 et 100 personnes" passaient chaque jour. "Des femmes, des hommes, des gens qui connaissaient bien la rue" et la drogue. "Depuis, la majorité d’entre eux sont décédés."

La salle de shoot fermera en juillet 1995, après le malaise d’une adolescente (lire ci-contre). Asud mettra la clé sous la porte trois mois plus tard. "Je ne regrette pas et s’il le fallait, je recommencerai", estime Estelle Dolé. "Il aurait fallu être plus diplomate, mais l’urgence était là. Vingt ans après, il semble qu’il y a une ouverture, et c’est tant mieux."

Malaise fatal
Le 8 juillet 1995, une adolescente de 16 ans fait une overdose et est secourue vers 5 h par les pompiers, devant la salle de shoot d’Asud. Elle était hébergée depuis deux jours par l’un des éducateurs d’Asud, qui logeait dans un appartement contigu à cette salle que l’adolescente fréquentait depuis deux jours.
Après quelques heures de coma, la jeune fille sera tirée d’affaire. Mais l’incident sonne le glas de l’expérience montpelliéraine, déjà dans le collimateur des pouvoirs publics qui avaient coupé, fin juin, les subventions d’Asud. L’enquête ouverte sur l’overdose par le parquet se terminera quelques mois plus tard par un non-lieu, l’éducateur étant décédé entre-temps.
 
Frêche en soutien

« Devant la carence des pouvoirs publics, des associations comme Asud essaient de poser le problème. Même si elles travaillent dans l’illégalité, on ne peut que les soutenir, car la vie est plus forte que le droit.



En attendant, ne rien faire, c’est les envoyer à la mort. » Le 20 octobre 1994, Georges Frêche déboule rue du Pont-de-Lattes, et exprime publiquement son soutien à l’action d’Asud, dont il signe le livre d’or (ci-dessus). « Il avait besoin de ça politiquement, c’était à l’avant-garde » estime Estelle Dolé.

L'article sur le site de Midi libre 

Illustration de Midi Libre

L’idée était de réduire au maximum les risques encourus par les toxicomanes, et de leur offrir une pause dans leur vie précaire.
L’idée était de réduire au maximum les risques encourus par les toxicomanes, et de leur offrir une pause dans leur vie précaire. (© D.R)


Illustration NPA 34 (source) : 121023‑salle‑de‑shoot1.jpg


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Tiré de Et la drogue dans tout ça ? (Asud -Autosupport des drogues)

Cannabis : un débat pas si fumeux que ça


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