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"Sur la seule ville de Montpellier il y a 17 000 logements vides. Et toujours plus d’âmes mal-logées, en transit"


Languedoc-Roussillon. Ce n’est pas du squat... mais de l’habitat alternatif
PATRICIA GUIPPONI
Midi Libre 05/11/2012
(illustration NPA 34) 


Dans ses doigts aux ongles peints en violet, Clémence tient fermement des clés. Celles de son appartement, un F1, dans les quartiers nord de Nîmes. Avec un bail signé en bonne et due forme. Il y a à peine cinq mois, elle n’avait pas de domicile fixe, enchaînait les boulots précaires sur le littoral gardois et héraultais. 


Le système D : "Comme débrouille, pour ne pas dire déchéance ou désespoir", sourit-elle. A l’époque, la jeune femme, fraîchement diplômée, ne trouve pas de travail dans le domaine de la petite enfance, où elle officie aujourd’hui. Pas plus que de logement dans ses moyens. "Avec des copains, on s’est installé dans un appartement que je savais inoccupé. La propriétaire, en maison de retraite, était une connaissance de ma grand-mère." Ils y restent quelques semaines avant qu’un parent de la vieille dame les déloge. "C’est là qu’on s’est dit que des maisons sans occupant, il devait y en avoir partout."

"Ne pas dormir dans la rue et rester propre" (Clémence, ex-sans domicile)

Clémence et sa bande ouvrent grand les yeux, repèrent. S’installent dans ces endroits que plus personne n’habite. Des lieux privés, publics. "On cherchait les propriétaires pour payer au moins en contrepartie les taxes, ou l’électricité, ou effectuer des travaux." Quand l’enquête les mène à bon port, ça passe ou ça casse. "La plupart nous faisait partir au plus vite. Quand ce n’était pas la police qui s’en chargeait..." Harassant, usant cette existence en transit sous des toits éphémères. "La vie en marge du système n’était pas mon choix. J’ai habité avec des personnes pour qui c’était volontaire, militant. Pour moi, comme pour beaucoup, c’était juste pour ne pas dormir dans la rue, pour rester propre." Une solution alternative, dans l’espoir de rebondir, sans "profiter puisqu’on était prêt à y mettre de notre poche".

C’est le cas de Thibault, 26 ans, ébéniste sur le papier. Homme de ménage, employé sous-payé dans la restauration, dans la réalité. Lui partage un "lieu de vie" avec une bonne dizaine d’autres personnes, aux profils et vécus divers. Des étudiants, des travailleurs précaires, des chômeurs. Tous solidaires. Le bien, situé au cœur de Montpellier, laissé à l’abandon depuis huit ans, appartient à l’État. "On a débroussaillé le terrain, refait la toiture, repeint." L’eau est tirée d’un puits dans le jardin.

"Sur la seule ville de Montpellier, il y a 17 000 logements vides"

Tout est réglé comme une horloge : la collectivité se répartit les tâches, les frais. La “tribu” a sympathisé avec son voisinage. "Les agents de France domaine sont passés. Ils étaient sympas et surpris de voir qu’on respectait le lieu." Sauf que le groupe, considéré par la loi comme occupant sans droit ni titre, sera expulsé début décembre. "Ce ne sera pas la première fois et ce malgré la trêve hivernale", souffle l’un des comparses de Thibault. "En général, ça se termine plutôt mal, même si on a connu des expériences plus heureuses : des propriétaires qui nous signaient un bail précaire, d’autres avec qui on était sous accord tacite.
On a même eu des voisins qui ont lancé une pétition pour nous soutenir." Leur espoir le plus cher serait que les locaux laissés à l’abandon puissent profiter légalement aux plus démunis. Servir de tremplin à ceux qui traversent les nébuleuses de la vie. "Sur la seule ville de Montpellier, il y a 17 000 logements vides", souligne Thibault. Et toujours plus d’âmes, mal-logés, en transit.

À LA LOUPE - Vers la réquisition ?

122 713 logements sont vacants dans la région (chiffres Insee de 2009). Il faut entendre par là les locaux laissés vides par un propriétaire - public ou privé - sans raison précise, mais aussi les biens en cours de vente ou de location, en attente de succession, mis de côté par un employeur pour ses salariés. On en compte 2,4 millions en France. Alors que, selon la fondation Abbé-Pierre, il y a 3,6 millions de mal-logés ou sans-abri.

L’Assemblée nationale a voté, mardi dernier, deux amendements facilitant la procédure de réquisition des logements vacants, dispositif peu utilisé jusqu’alors. Jeudi, la ministre du Logement, Cécile Duflot, a été chargé par le Premier ministre d’effectuer un inventaire des bâtiments vides pouvant accueillir les sans-domicile.



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