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Démission au Parti de Gauche : dérive à droite ? Dérive à gauche ?




L'Hérault du jour du 20 décembre 2012 (voir ci-dessous)

Tribune libre

Tensions au Parti de Gauche... 

Disons-le sans fard, il n'y a aucune raison de se réjouir du départ de tel ou tel d'une organisation qui affiche vouloir rompre avec l'ordre existant. Pour avoir connu, à l'échelle, il est vrai, d'une scission en règle, cette situation, le NPA est bien placé pour savoir ce qu'il en coûte politiquement mais aussi affectivement de rompre avec des camarades et de subir les tirs à boulets rouges de ceux qui confondent critique politique et règlement de comptes. Concernant cette démission nous nous en tiendrons bien sûr, comme à notre habitude, à cette première option : avec Marc Dolez c'est un des membres fondateurs qui quitte le PG (1). Ce départ prend par là un sens politique d'emblée fort qui, probablement, va au-delà du seul personnage. On notera d'ailleurs qu'il est dans la lignée des précédents départs de Claude Debons et de Jacques Rigaudiat (en revanche il se trouve décalé par rapport à celui de Christophe Ramaux) qui soulignaient déjà la dérive supposée "gauchiste" du parti (Debons parle même d'un positionnement "néo-NPA" !) que pointe Dolez, ce qui, en clair, revenait, à regretter que les conditions d'un rapprochement avec le PS (tout en défendant son propre programme !) ne soient pas intégrées au schéma tactique, voire stratégique, du parti.


Le départ de Dolez s'inscrit donc dans une démarche que certains qualifieraient de "droitière" pour son indéniable tropisme de polarisation par un PS tombé dans les eaux glacées capitalistes du rapport Gallois mais avec l'inconvénient qu'un tel étiquetage vaudrait labellisation d'un cours de gauche pour identifier l'orientation suivie par le PG. Or, sans aller plus loin dans l'analyse de la question, on relèvera que le démissionnaire passe à côté de ce qui est, pour nous, la caractéristique essentielle de ce parti : l'articulation, d'une part, d'un verbe tout en radicalité assumant en effet le clash avec "Hollandréou", et, d'autre part, des déclarations (des pratiques aussi) ouvrant vers le Parti Socialiste. Pour ne prendre que l'exemple le plus récent, celui de la proposition faite par Jean-Luc Mélenchon, de devenir premier ministre, en lieu et place de Jean-Marc Ayrault, peu (aucun ?) d'analystes ont relevé son incroyable portée politique. Une fois enlevée l'écume indéniablement mégalomaniaque du personnage (qui renvoie à l'insupportable personnalisation, relevée par C Ramaux, qu'il imprime à tout ce qu'il touche, à commencer par son propre parti), il apparaît tout crûment qu'il veut, ni plus ni moins, gouverner en recevant l'appui du PS : "Il y a une majorité de gauche à l’Assemblée : je propose qu’elle change de centre de gravité. Je suis prêt à être Premier ministre" (2) ! En recevant paradoxalement l'appui de ce parti, le PS, cet "astre [pourtant] mort" qu'il est capable de descendre en flammes sans aucune pitié ! Oh ! certes, tant d'années passées, dans ledit PS, à trouver les meilleures combinaisons pour "monter" tantôt Rocard, tantôt Emmanuelli, ou encore Jospin, contre les "droitiers", ont laissé chez le bonhomme un sens aiguisé des opportunités : être premier ministre de ...Hollande ne pourrait se faire qu'en jouant, contre le pauvre Ayrault, les députés socialistes, du moins son aile gauche (ah ! l'aile gauche du social-libéralisme, cette belle contradiction dans les termes !), avec l'appoint des députés EELV désappointés par le cours gouvernemental. 

Résumons-nous : le gauchisme du PG déploré par Dolez n'est en fait qu'une "attitude" faisant combinaison avec l'autre attitude, celle bien pragmatique (droitière ?), envisageant très concrètement ce que, oh ! perversion de l'aveuglement du démissionnaire, celui-ci souhaite : se rapprocher du Parti Socialiste ! Avec seulement comme Grande Rupture le débarquement de Jean-Marc Ayrault, misérable et solitaire brebis galeuse du social-libéralisme, pour mettre le cap sur une politique antilibérale...parrainée par ... Hollande, toujours en tant que grand timonier présidentiel, et appuyée par les députés PS et EELV. Délaissant la "révolution par les urnes", nous serions ainsi embarqués dans une révolution...par le PS... Et dire que les Autain (Fase) ou les dirigeants de Gauche Anticapitaliste, aujourd'hui bien évidemment silencieux sur le sujet, nous juraient leurs grands dieux, quoique empêtrés dans les alliances "gouvernementales" nouées dans les collectivités locales par bien des représentants du Front de gauche avec les socialistes, que le Front de gauche avait définitivement abandonné l'idée de gouverner avec le PS ! 

Il y aurait bien d'autres choses à dire sur cette démission du PG, contentons-nous de conclure provisoirement que le départ de Dolez ne doit pas nous faire prendre pour argent comptant que le PG jouerait à l'extrême gauche ou révolutionnaire pas plus d'ailleurs que refuser de s'allier avec le PS, pire, appeler à le combattre serait, horresco referens, du gauchisme, donc de l'infantilisme politique, etc. Nous n'avons rien à gagner à développer des analyses hémiplégiques qui empêcheraient de comprendre ce qui rend impossible que le PG reçoive favorablement les propositions d'unité pour les luttes, autour des luttes, comme celles de Sanofi, Arcelor Mittal ou Peugeot, pour nous engager ensemble dans une opposition résolue au gouvernement. Posons la question qui, à défaut de tuer, fâche : pourquoi Jean-Luc Mélenchon a-t-il toujours rejeté être une opposition au gouvernement ? Convenons, à la lumière de ce que nous venons d'énoncer, que ce n'était "probablement" pas la voie royale pour recevoir l'appui parlementaire lui permettant de devenir premier ministre ! Précisons que nous distinguons bien Mélenchon et la direction du PG, qui l'entoure et soutient de telles aberrations politiques, des militants de ce parti que nous cotoyons dans les mobilisations et que nous voyons bien décidés à en découdre avec le social-libéralisme. La question étant celle de l'adéquation de cet engagement à se battre avec les désengagements à la lutte frontale de leur direction ! (3)

Nous avons affaire, à travers ces péripéties de l'acte de candidature de Jean-Luc Mélenchon au premier-ministériat ou du départ de Marc Dolez, aux aléas d'une stratégie politique, celle du PG, par ailleurs prise dans une convergence concurrentielle avec cet autre astre mort-vivant qu'est le PCF, qui se trouve dans une impasse : 1/ la séquence électorale étant provisoirement close, par laquelle seulement est envisagé l'accès au pouvoir; 2/ le développement d'un mouvement social par la convergence des luttes en cours étant laissé à la seule initiative de directions syndicales, elles-mêmes spécialisées dans le désamorçage des risques de généralisation desdites luttes au profit de négociations à froid avec tout gouvernement en place (cf la mobilisation de 2010 sur les retraites) mais 3/ le mécontentement social grondant malgré tout, le PG cherche fébrilement à répondre présent : par du neuf, sur le terrain militant, à travers le récent forcing sur l'écosocialisme pour essayer de rabattre les écolos déçus et un maximum d'"indignés" vers lui  et, par du vieux, du très vieux, du côté institutionnel, en faisant le coup de bluff de la candidature à succéder à l'actuel premier ministre en se servant du PS contre le PS qu'il s'agit de violenter (Mélenchon sait faire !) pour le régénérer ! Dolez préfère ne retenir que le premier point...alors que le deuxième condense bien le centre de gravité du PG : le travail pour recomposer politiquement autour de lui mais dans le cadre politicien en rêvant encore que ce qui fut impossible du temps du militantisme dans le PS sera enfin possible depuis un positionnement en extériorité tout en disputant le verbe gauchiste au NPA : faire venir les socialistes...à gauche. Ce qui, ma foi, pourrait convenir à un PC pourtant assez réticent sur la méthode employée car il est plus dépendant des socialistes dans ses alliances locales avec lui (les municipales de 2014 seront un rendez-vous des plus délicats pour lui). On conviendra, en tout cas, que là est bien ce qui rend malheureusement impossible une riposte unitaire de gauche au gouvernement comme l'appelle de ses voeux le NPA. Et ce qui soumet le PG, et par là tout le Front de gauche, à un jeu d'équilibrisme entre l'institutionnel et l'extra-institutionnel dont témoigne aussi la valse-hésitation des votes pour, contre ou en abstention des députés du Front de gauche. La quadrature du cercle n'a jamais fait une politique, le départ de Dolez en est une preuve, d'autres viendront, à une autre échelle peut-être, si rien ne change...mais le temps presse. Le social-libéralisme avance ses pions capitalistes et la souffrance du peuple s'accroît !


Antoine (comité NPA du Pic-Saint-Loup) 

(1) Voir l'article de L'Hérault du jour ci-dessous et les déclarations de Dolez à Libération

 (2) La citation complète : "Il y a une majorité de gauche à l’Assemblée : je propose qu’elle change de centre de gravité. Je suis prêt à être Premier ministre, mais je peux aussi imaginer de ne pas l’être. Qu’une coalition se fasse avec des socialistes, des écologistes et des élus du Front de Gauche, sur une ligne de rupture évidemment avec la logique capitaliste et productiviste. C’est possible. A nous de faire la démonstration que nous sommes des partenaires fiables, idéologiquement stables, non dogmatiques."

(3) Christophe Ramaux : "Je m’imaginais un parti ouvert, qui manque tant, où l’on réfléchit, discute, débat (ce qui n’empêche aucunement de trancher quand il le faut et de s’engager dans l’action). N’adhère-t-on pas à un parti d’abord et avant tout pour ses idées ? Le PG fonctionne, au contraire, comme une petit groupe « discipliné » (le mot est ouvertement revendiqué), qui a peur des débats, de l’expression des divergences (comme si quiconque pouvait avancer sans la critique). Cela est même inscrit à présent dans le marbre de ses statuts. Il faut en effet 20 % du conseil national sortant pour pouvoir présenter un texte alternatif à celui de la direction. Je n’ai jamais été membre du PS. Mais je m’interroge : avec une telle règle, Jean-Luc Mélenchon et ses amis auraient-ils pu y constituer leur courant ? Le résultat est là : un turn-over étonnant avec beaucoup d’adhésions (le « menu » est effectivement alléchant), mais aussi beaucoup de démissions souvent résignées et silencieuses." (cf sa lettre de démission

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 L'Hérault du jour du 20 décembre
 
 


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