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Le gouvernement contre les fonctionnaires dans une logique comptable pénalisant les services publics !



 "Alors que la gauche critiquait l'application aveugle du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux sous le gouvernement Fillon, la règle de 2 % est en réalité bien plus drastique."

Pourquoi la gauche n'aime plus les fonctionnaires

Le Monde.fr |


Gel des salaires, suppressions d'emploi... Le premier budget de la nouvelle majorité ne se distingue pas beaucoup des orientations prises ces dix dernières années. Le chiffon rouge de la dette publique ne suffit pas à expliquer cette rupture idéologique opérée par le Parti socialiste, traditionnellement plus favorable à ceux qui incarnent les services publics auprès des usagers.

Pour les 5,4 millions de fonctionnaires, la dernière augmentation générale remonte au 1er juillet 2010. Dans son projet de budget pour 2013 et ses perspectives financières jusqu'en 2015, le nouveau gouvernement n'a pas prévu un seul euro d'augmentation. En tout et pour tout, la masse salariale devra progresser de 1 % entre 2012 et 2015, ce qui correspond uniquement à des mesures catégorielles accordées par les ministères à certains corps de fonctionnaires.

Pour la majorité des fonctionnaires, qu'ils soient territoriaux, hospitaliers ou de l'Etat, c'est la promesse d'une cinquième année sans augmentation, un record historique ! Jusqu'ici les plus longs gels avaient duré 16 mois sous deux gouvernements de droite, celui d'Alain Juppé entre 1995 et 1997 et auparavant de Jacques Chirac en 1986-1987. Sans compter que les précédentes hausses avaient été minimes. Au total depuis 10 ans, la perte de pouvoir d'achat du traitement de base des fonctionnaires atteint 13,5 %. Et la carence va s'accroitre de 5,3 % d'ici 2015 d'après les prévisions d'inflation du gouvernement.

A chaque fois que les traitements des fonctionnaires ont été gelés, la raison invoquée est le redressement des finances publiques. En effet, une hausse de 1 % de la valeur du point fonction publique – commun à tous les fonctionnaires – coûte aujourd'hui près d'un milliard d'euros à l'Etat et un autre milliard d'euros aux hôpitaux et aux collectivités locales. L'impact massif et immédiat d'une telle économie explique que le gouvernement y recoure par facilité. Mais à la longue, la perte de pouvoir d'achat que subit un cinquième des travailleurs de France entraîne avec elle des effets dépressifs sur la consommation, donc sur la croissance et, par conséquent, sur les recettes de l'Etat qui doit encore plus se serrer la ceinture.

Pour faire passer la pilule aux fonctionnaires, un dispositif de "garantie individuelle du pouvoir d'achat" (GIPA), créé en 2008, vise à maintenir le pouvoir d'achat du traitement de base sur quatre ans. Concrètement, un fonctionnaire qui n'aurait pas bénéficié d'avancement individuel ni d'augmentation générale au moins égale à l'inflation perçoit une prime compensatrice du différentiel de salaire entre celui d'aujourd'hui et celui d'il y a quatre ans. Cependant, seul le traitement de base est pris en compte et il ne s'agit pas d'une augmentation définitive. Le traitement reste le même et c'est lui qui sera pris en compte dans les droits à la retraite.

De plus, ce dispositif pénaliste les jeunes qui ont plus d'avancement individuel en début de carrière mais aucune augmentation générale. En définitive, tout le monde stagne alors que la moitié des entreprises accordent des augmentations générales à leurs salariés, d'après une enquête du groupe Cegos. Dans le privé, ces augmentations se sont élevées à 1,3 % en moyenne en 2012 et devraient se situer autour de 1,4 % en 2013 selon une enquête du cabinet Aon Hewitt.

DES PRIVILÉGIÉS QUI PEUVENT TOUT SUPPORTER ?

Les fonctionnaires sont réputés être des privilégiés parce qu'ils ne craignent pas que leur employeur mette la clé sous la porte ou les licencie. Certes, quelques milliers de hauts fonctionnaires sont des
super-privilégiés qui ne s'en rendent pas compte souvent. Mais pour la majorité, le mépris salarial n'est même plus contrebalancé par la garantie de l'emploi qui ne s'applique désormais qu'aux fonctionnaires des ministères et pas à ceux des collectivités locales ou des hôpitaux.

En outre, les suppressions d'emplois dans les ministères sont massives depuis 2007 : 183 000 emplois ont été supprimés depuis 2003. Malgré l'alternance, la saignée continue dans les ministères pour compenser les créations d'emploi dans l'enseignement, la police et la justice. Ainsi, le gouvernement a décidé de réduire de 2 % des effectifs dans les ministères jugés non prioritaires comme ceux de la défense, de l'économie, de l'emploi, de la santé ou encore de l'équipement. Alors que la gauche critiquait l'application aveugle du non remplacement d'un départ à la retraite sur deux sous le gouvernement Fillon, la règle de 2 % est en réalité bien plus drastique. En 2013, les ministères non-prioritaires prévoient 16 500 départs à la retraite mais supporteront 12 300 suppressions d'emploi, concentrées sur le ministère de la défense.

La véritable raison qui sous-tend ce choix est peut-être moins avouable. Les enseignants forment la plus grosse forteresse électorale de la gauche tandis que les militaires et les policiers ont toujours été très marqués à droite. Par le passé, les gouvernements de gauche ont systématiquement créé des emplois d'enseignants. Environ 60 000 sous les gouvernements Rocard et Cresson (1988-1993) et autant sous le gouvernement Jospin (1997-2002). Du côté salarial, les enseignants ont bénéficié de la transformation des instituteurs en professeurs des écoles, autrement dit du statut d'agent de maîtrise (catégorie B) à celui de cadre (catégorie A). Il n'en demeure pas moins que les enseignants français figurent parmi les moins bien payés des pays riches.

A l'opposé, les gouvernements de droite ont, sur la période récente, créé des milliers d'emplois de policiers et ces derniers ont été promu en 2010 au statut d'agent de maîtrise (catégorie B) alors que le baccalauréat n'est pas absolument nécessaire. De même, sous la présidence de Jacques Chirac, la fin du service militaire obligatoire a été compensée par le recrutement de plusieurs dizaines de milliers de militaires de carrière.
Reste la question des salaires. Le candidat Hollande voulait être le président de l'égalité et de la justice. Quoi de plus juste qu'une augmentation générale plutôt que de mesures spécifiques à certains corps distillées dans le secret et le maintient d'un régime de primes très inégalitaire ? Malgré la crise, la mesure qu'on est en droit d'attendre d'un gouvernement fer de lance de l'égalité, consisterait à attribuer une augmentation forfaitaire et uniforme à tous. Avec peu à distribuer, cette pratique tombée en désuétude depuis Mitterrand profite autant aux bas salaires qu'aux hauts fonctionnaires.

Illustration : AwgNjYFCMAAk31n.jpg

 
  
  
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