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Négociations sur l'emploi : du "compromis historique" de Hollande à la compromission avec l'insécurisation patronale du travail !


Il faut sécuriser l’emploi


Le président de la République a appelé de ses vœux la conclusion d’un «compromis historique» à l’issue de la négociation interprofessionnelle sur la «sécurisation de l’emploi» ouverte à l’initiative du gouvernement et qui pourrait s’achever en fin de semaine. Disons-le clairement : cette façon de présenter les choses masque l’enjeu réel. 

Depuis trente ans, les droits des salariés n’ont cessé de reculer, la flexibilité n’a cessé de se développer, la précarité a explosé. Loin d’enrayer le chômage, les différents dispositifs de déréglementation du travail ont accompagné sa montée. On a aujourd’hui à la fois plus de chômeurs, plus d’intérimaires, et plus de CDD. Mais aussi plus de salariés travaillant la nuit et le week-end ou dont le temps de travail a été annualisé. On attend donc à tout le moins d’un gouvernement de gauche qu’il œuvre à la correction de cette situation.


En appeler au compromis historique, sans montrer sa claire volonté de remettre en cause ces reculs, c’est en réalité ouvrir la voie à de nouvelles régressions. Au lieu de cela, on sous-entend, quand on ne le dit pas ouvertement, qu’il faudrait encore plus de flexibilité (à disposition des employeurs), en échange de plus de sécurité (pour les salariés). La feuille de route gouvernementale promeut «une approche globale gagnant, gagnant» : «renforcer la sécurité de l’emploi […], c’est nécessairement concilier la protection et l’accompagnement des salariés» et «les marges d’adaptation des entreprises pour développer ou préserver l’activité ou l’emploi, face aux mutations qui s’accélèrent dans un contexte de concurrence internationale renforcée». Le moins que l’on puisse dire est que ce cadrage de la négociation laisse la porte largement ouverte aux prétentions patronales. 

Après son élection, Nicolas Sarkozy avait mis les syndicats sous pression en indiquant clairement qu’il imposerait, en cas d’échec, le contrat unique de travail.


Aujourd’hui, on ménage le patronat. Celui-ci, d’ailleurs, ne s’y trompe pas. Dans un contexte où le gouvernement enchaîne reculade sur reniement, le patronat affiche haut et fort ses objectifs : «Nous demandons une souplesse, une simplification des procédures du droit du travail pour ajuster l’organisation de l’entreprise, éventuellement les effectifs, en fonction de la situation de l’entreprise, de la conjoncture de manière générale», déclare la patronne du Medef, en ajoutant qu’elle est prête à des avancées concernant la sécurisation des parcours professionnels des salariés. La proposition d’accord patronale a montré les limites de ce discours : les concessions sont soit vagues, soit renvoyées à un accord de branche, soit financées en partie par d’autres que les entreprises, soit compensées par des reculs.

Par contre, le cœur du projet impliquerait une remise en cause de grande ampleur du droit du travail : accords compétitivité emploi permettant de négocier des baisses de salaire et de faciliter le licenciement des salariés récalcitrants, droit pour l’employeur d’imposer un changement de poste dans un périmètre de 50 kilomètres ou d’une heure trente de temps de trajet, demande d’une homologation des plans de licenciements par l’administration, ce qui limiterait les possibilités de les contester en justice, création d’un CDI de projet, soit un «CDI à durée déterminée», etc. Les dispositifs de sécurisation évoqués visent au mieux à améliorer de manière minimale la situation d’une partie des salariés entre deux emplois. En échange, le patronat entend pouvoir licencier comme bon lui semble, négocier les salaires à la baisse et imposer la mobilité aux salariés, en toute «sécurité juridique». Le gagnant - perdant est assuré.


Face à cette offensive dérégulatrice, une autre perspective doit être opposée. Il faut renverser la vapeur et revenir sur les reculs multiples de ces dernières décennies. En matière de licenciement, les premières mesures à prendre pour protéger les salariés sont connues : modification de la définition du licenciement économique dans un sens restrictif (interdisant les licenciements dans les entreprises en bonne situation financière ou distribuant des dividendes aux actionnaires), création d’un droit à la continuité du salaire et des droits sociaux, d’un droit à la reprise d’activité par les salariés, limitation drastique des contrats précaires, renforcement des droits du salarié en cas de procédure de licenciement pour motif disciplinaire, suppression de la rupture conventionnelle du contrat de travail. Tel devrait être le contenu minimal d’un accord ou d’une loi. Mais cela ne suffirait pas : l’indispensable transition écologique à opérer va nécessiter dans les années qui viennent de créer, transformer ou supprimer certaines activités. Les salariés ne doivent pas en faire les frais, mais en être au contraire les acteurs. Cela impose de prendre des mesures garantissant la reconversion des salariés, à qualification au moins égale, et des collectifs de travail, sans perte de salaire, ni licenciement. Pour cela, il faut changer de feuille de route.


Laurent Garrouste, l'un des signataires de cette tribune, est le coauteur d'un petit livre dont nous avons recommandé, dans le dernier Motivées la lecture : Supprimer les licenciements (Syllepse). Nous en publions dans ce numéro les passages les plus suggestifs sur cette proposition que défend le NPA en termes d'interdiction des licenciements (Contester l'idée même de licenciements...utopique ? Le NPA et des économistes répondent : réaliste !).

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