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Désintox: pour contrer la droite et l'extrême droite sur le RSA !

 
 
 La fable bidon de la famille RSA qui gagne plus que la famille salariée
Elsa Ferreira | Rue89
 

Mieux vaut être au RSA que travailler, selon un tableau posté sur Facebook et partagé 100 000 fois en deux jours. Sauf que le tableau est truffé d’erreurs.

L’auteur du tableau, « Reynald Pais », précise qu’il l’a réalisé « à partir d’infos brutes trouvées sur le site du gouvernement ».
 
 
 
 
 
 
Le tableau comparatif 

Il compare la situation financière d’une famille de cinq personnes gagnant un très petit salaire à une autre famille de même taille vivant du RSA. Sa conclusion : la seconde famille, celle qui vit du RSA, s’en tire mieux, avec 500 euros par mois de plus.

Une connerie pour faire rire les copains

Le tableau a été fait sans réfléchir, il est donc complètement faux, comme on va le voir plus loin. Mais apparemment tout le monde s’en fiche : les idées reçues sur le RSA se sont offertes une belle pub grâce à « une connerie destinée à faire sourire quelques amis Facebook », selon l’auteur de cette campagne de désinformation, premier surpris de son succès.
L’idée qu’on peut mieux s’en sortir « sans travailler » n’est pas nouvelle. Il y a deux ans déjà, Laurent Wauquiez déclarait sur BFM :
« Aujourd’hui, un couple qui ne travaille pas, qui est au RSA, en cumulant les différents système des minima sociaux, peut gagner plus qu’un couple dans lequel une personne gagne un smic. Ce n’est pas logique, c’est la société française qui tourne à l’envers. »
Laurent Wauquiez sur BFM
Et ça énerve Martin Hirsch, le père du RSA, auquel nous avons soumis le tableau :
« Ce sont toujours les mêmes conneries. Ça marche parce que les gens ont envie d’entendre ce genre de choses. Ça arme leur aigreur. »
Ça ne pas fait rire non plus Jean-Christophe Sarrot, de l’association ATD Quart-Monde. Il estime que l’on « tape sur les pauvres », leur infligeant ainsi une « double peine » :
« Ça fait souffrir beaucoup de gens. Ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts à partir du 15 du mois et on leur dit qu’ils gagnent plus que les gens qui travaillent. »
Jean-Christophe Sarrot prévient : il n’est pas facile de calculer le montant du RSA. C’est d’ailleurs un problème pour les familles. Mais il a essayé quand même, et nous aussi. Et sans surprise, les résultats ne sont pas les mêmes que ceux qui ont été partagés sur des dizaines de milliers de pages Facebook.

1. Les revenus

  • L’oubli du RSA activité
Première ligne, première erreur. Et elle est de taille : avec un salaire de 1 200 euros par mois pour un ménage de cinq personnes, la famille est en droit de toucher le RSA activité. Un revenu créé justement « pour que dans tous les cas, on ait un intérêt à travailler », explique Jean-Christophe.
La famille gagnerait donc 18 132 euros par an au lieu de 14 400.
  • Le RSA prend en compte les allocations familiales et logement
Les allocations, dans l’esprit de l’auteur, ce seraient donc le RSA + les allocations familiales. A noter aussi que l’allocation au logement entraîne une réduction de 143 euros du RSA.
La famille touchera donc 1 065 euros par mois de RSA , soit 12 780 par an au lieu de 14 496.
  • La prime de Noël est plus élevée que prévue
Il faut croire que la famille de « fainéants » a été sage, puisque ce n’est pas 154 euros qu’elle touchera à Noël mais 380 euros...
  • Allocations logement : un peu plus pour les uns, un peu moins pour les autres
L’allocation logement est relativement difficile à calculer, et d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une famille hypothétique dont on ne connaît ni le lieu d’habitation, ni la superficie du logement. Jean-Christophe Sarrot a quand même fait son estimation sur le site de la CAF, avec un logement en province au loyer de 500 euros (comme dans le tableau Facebook).
Pour la famille au RSA, ce serait donc 450 euros d’allocations logement (au lieu de 500 euros) et pour les salariés, 350 euros (au lieu de 200).
  • Au total, les revenus annuels de la famille salariée seront de 25 812 euros (au lieu de 20 280) et ceux de la famille au RSA de 18 560 euros (au lieu de 20 650).

2. Les dépenses

  • Loyer : 500 euros chacun. Pour cette donnée arbitraire, pas d’erreur.
  • La complémentaire universelle pour tous
Selon l’auteur du tableau, la famille de salariés payerait 50 euros par mois pour leur mutuelle santé. Pour la seconde famille, on leur offre la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), et donc, c’est gratuit.
Mais là encore, il n’a pas bien fait ses devoirs : la famille de salariés est en droit de demander la CMU-C puisqu’elle se trouve en dessous du plafond de 19 835 euros pour un foyer de 5 personnes (tous les revenus n’étant pas pris en compte).
C’est donc 0 euro pour les deux familles pour l’assurance complémentaire.
  • Impôts locaux et redevance télé
La famille qui touche un smic plus le RSA activité peut être exonérée de ces frais, puisqu’elle se situe en dessous du plafond de revenus.
0 euro encore, pour les deux familles.
  • Cantine des enfants et transports
Pas de frais de cantine, ni de frais de transport (« pas de boulot ! », précise l’auteur), pour la famille au RSA.
Là encore, les données sont arbitraires, et pas forcément justes. L’exonération des frais de cantine dépend non pas de l’attribution du RSA mais de la volonté d’une commission académique. Les deux familles sont donc susceptibles ou non de bénéficier d’un tarif. Pour notre exemple, nous avons donc gardé l’hypothèse d’une exonération totale de cantine pour les deux familles.
Quant au transport, même sans travail, il faut se déplacer : pour chercher du travail, pour accompagner ses enfants à l’école, pour faire ses courses... Nous avons donc rétabli une dépense transport pour la famille RSA.

  • Electricité, eau, gaz
Les tarifs sociaux pour l’énergie sont calés sur l’éligibilité à la CMU-C. Les deux familles en bénéficient de la même façon.

3. Conclusion

La famille vivant du smic et du RSA activité gagne 25 812 euros et ses dépenses contraintes (en considérant qu’elle ne paye pas la cantine) sont de 8940 euros environ par an. Il lui reste donc, après paiement des factures, 16 872 euros par an (1406 euros par mois) pour se nourrir, se vêtir et de divertir.
Pour celle vivant uniquement du RSA, le revenu annuel est de 18 560 euros pour les mêmes dépenses contraintes. Il lui reste donc 9620 euros (soit 801 euros par mois) pour les autres dépenses.


O/20 ! 

PS : Martin Hirsch a de son côté refait les calculs, à notre demande. Il arrive au résultat suivant, très proche de celui d’ATD Quart-Monde dans son versant « revenus » :

Famille Salariés :
  • 26 256 de revenus ;
  • 12910 de dépenses contraintes ;
  • 13346 de dépenses autres ;
Famille RSA :
  • 18 810 de revenus ;
  • 7300 de dépenses contraintes ;
  • 11310 de dépenses autres.
Voir le tableau détaillé ci-dessous. Son commentaire :

Voir le document
 
« Le calcul est complètement faux :
  • La famille “ salarié ” a le droit à 300 euros par mois de RSA activité ;
  • le RSA de la famille “ RSA ” a été surévalué (oubli de la déduction du forfait logement) ;
  • l’allocation logement de la famille “ salarié ” est largement sous-évalué (j’ai vérifié en faisant des simulations sur le site de la CAF) ;
  • la comparaison part du principe que la famille “ salarié ” n’a droit à aucun droit connexe ; hors étant donné son bas niveau de ressources, elle ne paye surement pas la cantine à taux plein par exemple. »

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 (Illustration NPA 34) 
Même si on n’est pas bardé de diplômes, on a des vies et des voix. J’ai 28 ans, et deux enfants de 4 ans et demi et 7 ans. Le deuxième a eu des problèmes cardiaques à partir de deux mois et demi. Il avait un handicap à 80 %. On m’a conseillé de changer de climat. J’ai trouvé un appartement près de Montpellier. En raison du handicap de mon fils, j’avais une aide de la CAF qui me permettait de rester à la maison et m’occuper de lui. Son handicap a été réévalué à 50 %, et j’ai perdu mon aide. J’ai signé un contrat de RSA avec le conseil général il y a un peu moins de deux ans. J’ai voulu faire une formation de travailleur social. J’ai eu 18/20 à l’écrit, j’ai été prise. Mais la formation n’était pas reconnue par le département. J’ai perdu mes droits au RSA. J’ai vécu pendant quatre mois avec des bons alimentaires. Heureusement que c’était l’hiver, le conseil général me disait : «Ne vous inquiétez pas, ils n’expulsent pas l’hiver.» J’ai dû abandonner ma formation. Il a fallu que j’envoie un courrier au cabinet de Bachelot pour que je retrouve mes droits.

Je suis à nouveau au RSA. La conseillère qui me suit m’a dit la dernière fois qu’elle ne savait pas quoi me proposer. Je n’ai pas le bac. Wauquiez veut qu’on fasse des travaux d’intérêt général. C’est la double peine. Je ne profite de rien. J’ai connu la faim et la honte de n’avoir rien à mettre sur la table de mes enfants. Je crois qu’on peut être heureux sans avoir beaucoup, et qu’on peut rendre ses enfants heureux, mais il faut être considéré et aidé. Il faut tout un travail pour retrouver l’estime de soi. On n’est pas des nuisances, ni des assistés. J’avais prévu autre chose. C’est la vie qui a fait que.»

L'intégralité de l'article de Libération

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 Extrait de cet article :

"Si l’allocation universelle était un substitut permanent à une répartition équitable du travail et des revenus, elle ne serait qu’une rente versée à des chômeurs transformés en rentiers de la misère. L’économie dite « plurielle » ne serait alors que le masque d’une économie capitaliste attendrie mais dans laquelle la logique capitaliste resterait reine. Malheureusement, au lieu de concevoir un revenu social garanti comme mesure transitoire accompagnant une politique de retour au plein emploi, les partisans de l’allocation universelle imaginent celle-ci perpétuelle, entérinant la coupure définitive entre ceux qui peuvent s’insérer dans tous les aspects de la vie sociale et ceux qui se trouvent écartés de l’une de ses facettes les plus importantes encore, la participation au travail collectif. L’objet de l’équité est donc détourné : ce n’est plus l’égalité devant le droit fondamental au travail qui est considérée comme essentielle, c’est l’égalité devant le palliatif. Pour que le revenu garanti soit une forme de salaire socialisé et non pas une rente palliative, il faudrait au contraire que le lien organique des chômeurs avec les rapports sociaux dominants soit préservé."

L'article de Jean-Marie Harribey



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