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Européennes : le trompe-l'oeil de la victoire écrasante du FN !


 Donnons-nous Le Pen de lire correctement les résultats !


[A lire ci-dessous A notre avis ]

Le choc suite à l'arrivée du Front National en tête des européennes est bien compréhensible, mais il n'implique pas forcément qu'on soit obligé de raconter des âneries du genre “la préférence FN est le choix de près d’un quart des Français”.

Les résultats des élections sont toujours donnés en pourcentage des suffrages exprimés, mais on peut aussi les regarder de deux manières différentes : en nombre de voix, et en pourcentage des inscrits.

Nombre de voix

Le graphique suivant montre l'évolution du nombre de voix recueillies par le ou les candidats Front National lors des scrutins nationaux depuis 2002 (les législatives ont été exclues) :


A rapprocher de...


A notre avis 

Ce que publie Data.Nozav.org et ce qu'écrit notre camarade Claude dans l'article auquel nous renvoyons ci-dessus sont essentiels : ces articles ont l'immense avantage de prendre en considération le corps électoral (il faudrait aussi rapporter à l'ensemble de la population en âge de voter), une réalité qui, au gré de la crise de la démocratie capitaliste actuelle, est désormais, sur la durée, majoritairement virtuelle (des électeurs n'élisent pas). Cette virtualité signe l'échec du système, met le doigt sur la dualité désormais structurelle entre ceux qui sont élus et ceux qui pourraient les élire mais se refusent à le faire ! L'affaire Bygmalion, qui vient de faire imploser la direction de l'UMP (lire ici), donne à voir de façon éclatante à toujours plus grande échelle que la démocratie qui a cours est une démocratie - premier oxymore - de l'argent, par l'argent (et disons-le, pour l'argent). Donc pas faite pour la masse des désargentés, les peu argentés, les qui perdent beaucoup de l'argent qu'ils croyaient avoir bien acquis. Cette démocratie, le discours d'hier de François Hollande nous le confirme - deuxième oxymore - est une démocratie littéralement antidémocratique puisqu'il ne sera tenu aucun compte de ce qui s'y est exprimé comme refus de la politique menée ! Cette démocratie c'est, en cette logique, une démocratie tournant en boucle, sans état d'âme, la désaffection que lui retourne régulièrement une population qui sait, sans être passée par l'ENA (parce qu'elle n'est pas passée par l'ENA), que le bulletin de vote n'est pas pour elle. Que même il est contre elle, que donc il faut l'éviter comme la peste !

Ceci étant posé, il est décisif de ne pas céder à la panique du "un Français sur quatre vote FN" car la panique, c'est connu, est mauvaise conseillère : si le vote FN est étroitement corrélé à la baisse des autres partis (y compris à la baisse ou à la stagnation des partis à la gauche du PS, nous y reviendrons dans un prochain article), si donc on veut bien regarder que le centre de gravité politique du moment est, plus que le FN "qui n'a fait que perdre moins d'électeurs que les autres", l'abstention (et les votes nuls), c'est toute une perspective d'action qui, contre les jeux de masques médiatico-politiques tétanisant sur ce parti, peut apparaître à l'ordre du jour. Celle qui refuse d'entrer dans le jeu politique (1) balisé par les partis fourriers du FN, le PS et l'UMP pour l'essentiel. Celle qui, message adressé en priorité aux partis du Front de Gauche, devrait s'éloigner absolument de tout positionnement de proximité avec le parti qui gouverne, au nom de la gauche, pour le compte (!) du patronat, contre la population. Laquelle population - déroulons la chaîne des séquences obligées - n'a d'autre moyen que de s'abstenir (ou de se tourner, marginalement, oui, encore marginalement, il faut le dire si l'on est respectueux du chiffre des inscrits, vers le FN) pour ... exprimer son désarroi, son scepticisme, sa colère, etc. Car l'abstention, sortons des pesanteurs de l'idéologie du système, exprime, est expression ! Une expression par une mise de soi hors jeu qui, contrairement à ce qui prévaut au foot ou au rugby, disqualifie celui qui règle le jeu ! Précisons : un hors jeu qui disqualifie aussi ce qu'en d'autres temps certains nommaient "crétinisme parlementaire" et qu'aujourd'hui nous pourrions méchamment appeler "crétinisme électoraliste", ce biais de la pensée de gauche dominante (pas qu'au PS) qui la fait rester polarisée par le simulacre (le cirque ?) toujours plus marqué que sont devenues les élections : comme l'atteste que la dynamique mélenchonienne de la prise de la prise de la Bastille en 2012 ait succombé devant des jeux d'appareils internes au Front de Gauche, tous inscrits, malgré les divergences entre partenaires, dans des problématiques institutionnelles (s'allier avec le PS ou avec la gauche du PS ou avec les faux indépendants d'EELV). Le tout dans l'impuissance, par marginalisation totale, des anticapitalistes d'Ensemble. Avec toujours les élections réellement existantes (inexistantes démocratiquement parlant) en point de mire stratégique... Par là on ne peut que constater que la victoire du FN à ces Européennes, replacées comme une victoire par défaut, est, paradoxe pour un parti qui se veut antisystème, une victoire dudit système : celui d'une démocratie qui a perdu ses électeurs et s'en accommode. Dans ce cadre, auquel la gauche de gauche électoraliste apporte par ses "atermoiements" sa pierre, on ne doit pas sous-estimer le danger que représente Le Pen et sa bande pour la population : pas celui du "fascisme" à l'hitlérienne, soyons sérieux, mais celui d'une capacité à s'approprier, probablement par une recomposition en leur faveur de la droite dite républicaine (Bygmalion pain bénit ?), les mécanismes de cette démocratie sans beaucoup d'électeurs pour poursuivre à leur façon, en accentuant les discriminations anti-immigré-e-s  et la diabolisation "laïque" de l'islam en particulier (ayons une pensée pour Valls...), le ciblage antipopulaire organisé par les "démocrates" qui les auraient précédés ! 

Ne pas majorer le poids réel du FN, ne pas se laisser embarquer par les à-peu-près médiatiques sur les résultats électoraux, ce n'est pas amoindrir le nécessaire combat à mener contre ce parti. Cela sert à situer l'angle d'attaque qui ne peut qu'être, à ce niveau de défaite de la démocratie, extérieur aux balises électorales : l'heure est bien à se retrousser les manches pour mettre à nouveau en selle un mouvement social qui peine à se remettre de la défaite de 2010 (2) et qui a, jusqu'ici, laissé se développer l'illusion que par les urnes (syndrome bouillant mélenchonien, syndrome tiédasse Hollande) "on y arriverait" ! La démonstration est faite qu'il n'en est rien ... C'est le FN qui est arrivé... Nous devons nous convaincre que nous avons les moyens de l'envoyer dans les cordes par un décentrement-recentrage politique vers le social d'où nous pouvons aider à l'émergence de réponses alternatives au capitalisme et à ce que l'abstention dévoile être une démocratie délestée de son demos.  Mais commençons par ne pas leur faire le cadeau d'une interprétation hasardeuse des chiffres de leur "victoire" !

Antoine 

(1) La participation du NPA aux élections est tout sauf électoraliste (qu'il ait été à presque 5 % des votes ou qu'il soit à moins de 1 % [a]) : elle repose sur la proposition que soient renversés les mécanismes faussement démocratiques en place, que la population prenne en main son destin sans s'en remettre aux professionnels de la politique, fussent-ils de la gauche de la gauche, que tout élu ne perçoive que le salaire d'un ouvrier qualifié, que la révocation des élus devienne possible, que le mouvement social soit le coeur du processus de construction d'une société alternative au capitalisme, etc. De ce point de vue-là nous sommes étrangers au projet de VIe république de nos camarades du Front de Gauche. 

[a] Les fétichistes des chiffres électoraux pourront méditer ceci : la numéro 2 sur la liste de Podemos en Espagne, Teresa Rodríguez, membre de l'organisation soeur du NPA, Izquierda Anticapitalista (IA), vient d'être élue au Parlement européen avec 4 autres des ses camarades de Podemos, lequel frôle les 8% après seulement 4 semaines d'existence (lire ici) ; pourtant son organisation, IA, n'avait obtenu que 0,1% aux élections générales de 2011 ! Quant aux Grecs de Syriza, ils pesaient à peine plus de 3 % en 2002, encore 4,6 % en 2009. Ils sont depuis dimanche le premier parti du pays à presque 27 % ! Volatilité des chiffres, déblocage et mutabilité rapide de situations électorales qui ont en fait à voir avec ce que les mouvements sociaux parviennent, malgré mille difficultés et sans toujours déboucher encore sur des victoires, à imposer. Concernant le rapport d'élus de la gauche radicale aux institutions, voici ce que déclarait, après le succès de Podemos, Teresa Rodriguez : "Nous sommes une force qui se positionne comme haut-parleur des luttes sociales qui se mènent à la base, face à un parlement de professionnels de la politique qui sont à le recherche d'une retraite dorée" (à lire ici en espagnol). Façon de dire qu'il y a une façon anti-électoraliste d'aller aux élections et une façon antipoliticienne de siéger dans un parlement : pour peu que le centre de gravité politique soit, reste, le mouvement social !

(2) La victoire, bien réelle, des Fralib (lire ici) n'en est pas moins le signe de ce qu'il a fallu en rabattre, courageusement, pour "y arriver" : la SCOP c'est ce qui pouvait arriver de mieux en l'absence du must d'un mouvement convergent des luttes (pensons, entre tant d'autres, aux admirables Sanofiens), seul à même de trouver des réponses pour tous et de modifier enfin le rapport de force global en faveur de notre camp.

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