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Attentat contre Charlie. L'émotion ... Et si on évitait qu'elle soit dépolitisée ...


... et instrumentalisée par le pouvoir et l'extrême droite ?



[…]  Le caractère public et collectif de ces réactions émotionnelles nous rappelle que les émotions sont tout sauf des réactions spontanées. En effet, ces sentiments qui nous semblent si personnels, si intimes, si « psychologiques » sont en réalité médiatisés par des cadres interprétatifs qui les génèrent, les régulent et leur donnent un sens. Derrière les émotions se cachent des discours, des perspectives et des partis pris moraux et politique dont il importe de comprendre la nature pour bien mesurer leurs effets. Or quelle leçon pouvons-nous tirer de cette observation très générale sur le caractère socialement construit des émotions et de ce qu’on pourrait appeler le « précédent américain » ?

La philosophe J. Butler s’est intéressée aux réactions émotionnelles aux attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. 

Elle a relevé que ces réactions se sont articulées selon les deux dimensions évoquées plus haut : la dimension négative génératrice de haine, de peur et de désir de revanche et la dimension positive invitant à la compassion et à l’indignation morale face à l’horreur. J. Butler s’est principalement intéressée à la seconde car elle n’a pas, en apparence, le caractère belligène et grossier de la première. Ses conclusions intéresseront peut-être celles et ceux qui s’inscrivent dans le cadre humaniste, affirment « être Charlie » et veulent réfléchir au sens de leurs gestes politiques.Le caractère public et collectif de ces réactions émotionnelles nous rappelle que les émotions sont tout sauf des réactions spontanées. En effet, ces sentiments qui nous semblent si personnels, si intimes, si « psychologiques » sont en réalité médiatisés par des cadres interprétatifs qui les génèrent, les régulent et leur donnent un sens. Derrière les émotions se cachent des discours, des perspectives et des partis pris moraux et politique dont il importe de comprendre la nature pour bien mesurer leurs effets. Or quelle leçon pouvons-nous tirer de cette observation très générale sur le caractère socialement construit des émotions et de ce qu’on pourrait appeler le « précédent américain » ?

[L']économie sélective de la compassion produit un deuxième type d’effet en ce qui concerne la perception de la violence d’État occidental. Les discours communautaristes ou racistes ont ceci de particulier qu’ils mettent bruyamment en scène la violence qu’ils déploient. À l’inverse, le discours moderne et humaniste est aveugle par rapport à sa propre violence. Qui a une idée, même approximative, du nombre de morts générés par la guerre américaine en Afghanistan en 2001, par celle des États-Unis et du Royaume-Uni en Irak en 2003 ou encore par l’intervention de la France au Mali en 2013 ? L’une ou l’autre de ces guerres était peut-être légitime. Mais le fait que personne ne soit capable de donner une estimation du nombre de morts qu’elles ont généré doit nous interroger. Dans ces moments où nous sommes submergés par les émotions, il peut être intéressant de penser à tous ces précédents et à ces morts, à venir, que nous n’allons pas pleurer. Le texte intégral

Après l'ignoble attentat contre Charlie Hebdo
L'union nationale est un piège
Unissons-nous pour la démocratie, la solidarité contre le racisme


L'attaque à l'arme lourde qui a fait 12 morts dans les locaux du journal Charlie Hebdo à Paris suscite dans tout le pays l'émotion, l'indignation, la colère et la révolte. Cette attaque terroriste est insupportable. L'exécution des salariés et des dessinateurs du journal  est un crime qui nous vise toutes et tous, un crime contre la démocratie et la liberté d'expression. Notre solidarité est pleine et entière avec les victimes de cette folie meurtrière.

Ceux qui ont commis ces crimes veulent terroriser, provoquer délibérément l’horreur et la peur, créer une situation de tension extrême, précipiter l’affrontement et la radicalisation. Le danger est immense de voir le racisme et l’islamophobie déferler. D’ores et déjà les actes contre les musulmanNEs  (attaque contre des mosquées, agressions…) se multiplient. Il est décisif d’y opposer une condamnation et une résistance  sans concession. Plus que jamais nous devons combattre toutes stigmatisations, toutes discriminations. Il faut aussi refuser toutes les mesures sécuritaires et liberticides.

Hollande appelle à l'union nationale, le PS, l'UMP organisent dimanche des marches d'union nationale auxquelles le FN, reçu par Hollande le 9 janvier, a demandé à être invité. Les uns et les autres cherchent ainsi à masquer leur propre responsabilité dans la dégradation sociale et politique, le climat délétère que nous connaissons aujourd'hui. Tout en s'en défendant, ils cultivent un climat xénophobe et raciste, la peur de l'étranger, la peur de l'autre, terreau de la haine. Ils veulent ainsi diviser les classes populaires, les soumettre à leur politique, à leur ordre social qui engendrent la barbarie qu'ils prétendent combattre. Le comble du cynisme revient à Marine Le Pen qui a fait de la xénophobie, de la dénonciation des immigrés et des étrangers son fonds de commerce. 

 Une politique qui engendre le désespoir et la barbarie

Cette violence meurtrière et barbare ne vient pas de rien. Elle se forme au cœur de la violence sociale et morale que connaît une large fraction de la jeunesse des quartiers, la violence du racisme et de la xénophobie, des discriminations, la violence du chômage et de l'exploitation. Cette violence barbare est l'enfant monstrueux  de la guerre sociale  que mènent la droite et la gauche au service de la finance.  Et aussi des guerres contre les peuples qui se sont enchaînées depuis la première guerre contre l'Irak, en Afghanistan, en Libye, en Afrique, en Syrie. C’est aussi la guerre engagée depuis des décennies contre le peuple palestinien. Des guerres qui ne visent qu'à maintenir la domination des multinationales, leur droit à piller les richesses alimentent ainsi les pires fondamentalismes réactionnaires.  Cette violence militaire barbare engendre une autre violence barbare. Il n'y a pas de réponse à la décomposition sociale dont le crime contre Charlie  Hebdo est la dramatique expression sans combattre les politiques qui l'engendrent.

 Pour la solidarité entre les travailleurs et les peuples

Notre solidarité avec Charlie Hebdo, avec les victimes de ce crime terroriste odieux dont certaines ont été souvent partie prenante de nos combats, c'est la lutte contre toutes les bêtises réactionnaires qui dressent les hommes et les peuples les uns contre les autres, contre tous les préjugés obscurantistes. La démocratie et la  liberté d'expression ne se divisent pas, pas plus que le respect des hommes, des peuples ou de la vie humaine.

C'est pourquoi,  sur nos lieux de travail et d'études, sur nos lieux d'habitation nous pouvons discuter, nous rassembler, manifester pour construire la solidarité nécessaire pour faire vivre la démocratie et la liberté, en toute indépendance des forces réactionnaires et du gouvernement. Le texte du communiqué sur le site national du NPA

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"Je ne suis pas descendu parmi la foule." Un @sinaute exprime, dans le forum de discussion de la dernière chronique de Daniel Schneidermann, son malaise vis-à-vis de "l'union nationale" suite aux attaques meurtrières qui ont visé Charlie Hebdo. En cause, la "dérive islamophobe" du journal et de cette gauche "Onfray/Charlie/Fourest laïcarde".

Gros malaise. Je ne suis pas descendu parmi la foule. Je ne suis pas Charlie. Et croyez-moi, je suis aussi triste que vous.

Mais cet unanimisme émotionnel, quasiment institutionnel pour ceux qui écoutent les radio de service public et lisent les grands media, j'ai l'impression qu'on a déjà essayé de me foutre dedans à deux reprises. La société française est complètement anomique, mais on continue à se raconter des histoires.

Première histoire: victoire des Bleus en 1998. Unanimisme: Thuram Président, Black Blanc Beur etc. J'étais alors dans la foule. Quelques années plus tard: Knysna, Finkelkraut et son Black Black Black, déferlement de haine contre ces racailles millionnaires, mépris de classe systématique envers des sportifs analphabètes tout droit issus du sous-prolétariat post-colonial. Super l'"unité nationale".


Deuxième histoire: entre deux-tour en 2002. Unanimisme: le FHaine ne passera pas, "pinces à linges", "sursaut républicain", foule "bigarrée" et drapeaux marocains le soir du second tour devant Chirac "supermenteur", "sauveur" inopiné de la République, et Bernadette qui tire la tronche, grand soulagement national. J'étais dans la foule des manifs d'entre deux tours.
 
Quelques années plus trard: le FN en pleine forme, invention du "racisme anti-blanc", création d'une coalition Gauche/Onfray/Charlie/Fourest laïcarde et une Droite forte/UMP/Cassoulet en pleine crise d'"identité nationale" contre l'Islam radical en France, "racaille" et "Kärcher", syndrome du foulard, des prières de rue, des mosquées, émeutes dans les banlieues, tirs sur les policiers, couvre-feu, récupération de la laïcité par l'extrême droite, Zemmour, Dieudo, Soral... Super l'"unité nationale".

Troisième histoire: sursaut national après le massacre inqualifiable à Charlie en janvier 2015. Unanimisme: deuil national, "nous sommes tous Charlie", mobilisations massives pour la défense de la liberté d'expression dans tout le pays. Charlie ? Plus personne ne le lisait. Pour les gens de gauche qui réfléchissent un peu, la dérive islamophobe sous couvert de laïcité et de "droit de rire de tout" était trop évidente. Pour les gens de droite: on déteste cette culture post-68, mais c'est toujours sympa de se foutre de la gueule des moyen-âgeux du Levant. Pour l'extrême droite: pas lu, auteurs et dessinateurs détestés culturellement et politiquement, mais très utile, les dessins sont repris dans "Riposte laïque" [site islamophobe d'extrême droite]. Pour beaucoup de musulmans: un affront hebdomadaire, mais on ferme sa gueule, c'est la "culture française".


"Dieudo/Soral et les complotistes sont passés par là"

Résultat: des centaines de milliers de musulmans sommés de montrer patte blanche, quelques années à peine après la purge officielle sur l'identité nationale. Des années durant avec toujours le même message insistant: mais putain, quand est-ce que vous allez vous intégrer? Et vous, les musulmans "modérés", pourquoi on vous entend pas plus? A partir d'aujourd'hui, "vous êtes pour nous ou contre nous". Cabu ne disait pas autre chose: "la caricature, ils doivent bien l'accepter, c'est la culture Française". Super l'"unité nationale".


Réactions à chaud de jeunes de quartiers entendues dans le micro: "c'est pas possible, c'est trop gros, c'est un coup monté". Dieudo/Soral et les complotistes sont passés par là: manifestement certains ne croient pas plus au 07/01/15 qu'au 11/09/01. La réalité est qu'on les a déjà perdus depuis longtemps, et c'est pas avec des veillées publiques à la bougie qu'on va les récupérer ni avec des incantations à la "résistance" - mais à quoi vous "résistez" au fond ? Vous allez vous abonner à Charlie? Et ça va changer quoi?

"La majorité va se sentir mieux, et c'est précieux. Mais la fracture est totale."

La réassurance collective est un mouvement sain et compréhensible face à un massacre aussi traumatisant, mais elle a pour versant complémentaire le déni collectif, et pour résultat l'oubli des causes réelles et profondes de l'anomie. La majorité va se sentir mieux, se faire du bien, comme elle s'était fait du bien en 1998 et 2002, et c'est précieux. Mais la fracture est totale. Et la confusion idéologique à son comble.

Personne ne se demande comment on en est arrivé là, comment des jeunes parigots en sont venus à massacrer des journalistes et des artistes à la Kalash après un séjour en Syrie, sans avoir aucune idée de la vie et des idées des gens qu'ils ont tué: ils étaient juste sur la liste des cibles d'AlQaeda dans la Péninsule Arabique. Personne ne veut voir que cette société française, derrière l'unanimisme de façade devant l'horreur, est en réalité plus que jamais complètement anomique, qu'elle jette désespérément les plus démunis les uns contre les autres, et qu'elle a généré en un peu plus d'une décennie ses propres ennemis intérieurs.
 

"La plus grosse fabrique à soldats d'Al Qaeda sur notre territoire, c'est la PRISON"

Personne ne veut voir que la plus grosse fabrique à soldats d'Al Qaeda sur notre territoire, c'est la PRISON. Personne n'a compris que la France n'a pas basculé en 2015, mais il y a dix ans déjà, lors des émeutes. Personne ne veut voir que nous vivons encore les conséquences lointaines de l'immense humiliation coloniale et post-coloniale, et que vos leçons de "civilisation" et de "liberté d'expression" sont de ce fait inaudibles pour certains de ceux qui l'ont subie et la subissent ENCORE.

Et on continue à se raconter des histoires, après la fiction des Bleus de 1998, après le mythe du "Front républicain" de 2002, en agitant cette fois-ci comme un hochet la liberté d'expression, dernier rempart d'une collectivité qui n'est plus capable de se donner comme raison d'être que le droit fondamental de se foutre de la gueule des "autres", comme un deus ex machina qui allait miraculeusement réifier cette "unité nationale" réduite en lambeaux.
 
Vous n'arriverez pas à reconstruire la "communauté nationale" sur ce seul principe, fût-il essentiel. Je vous le dis, vous n'y arriverez pas. Car ce n'est pas CA notre problème. Notre problème, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait plus personne en France qui n'ait tellement plus rien à espérer et à attendre de son propre pays natal au point d'en être réduit à n'avoir pour seule raison de vivre que de tuer des gens en masse, chez nous ou ailleurs.

Car on ne peut rien contre ceux qui leur fournissent la liste des cibles une fois qu'ils sont conditionnés. Il faut donc TOUT mettre en oeuvre pour agir avant qu'ils en soient là: ce n'est pas facile mais c'est la seule chose qui compte si on ne veut pas progressivement tomber dans le gouffre de la guerre civile, qui est la conséquence ultime de l'anomie.

Après, c'est trop tard. Et c'est déjà trop tard....


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