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"On reproche aux musulmans d’être communautarisés ...


 ...  mais on leur demande de réagir contre le terrorisme en tant que communauté"

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 Publié par LE MONDE, le  09.01.2015

[A lire ci-dessous A notre avis]

L’émotion qui a saisi la France après la tuerie de Charlie Hebdo est plus qu’une réaction d’horreur ou une manifestation de solidarité : elle est un fait de société. Car cet acte terroriste est lui aussi plus qu’un crime : c’est un événement politique, non pas parce qu’il est l’attentat le plus meurtrier commis en France depuis 1961 ou parce qu’il touche à la liberté d’expression et à celle de la presse (des attentats, il y en a eu et il y en aura encore, sous quelque drapeau que ce soit, et la liberté d’expression a connu et connaîtra bien d’autres menaces), mais parce qu’il transforme un débat intellectuel en question quasi existentielle : s’interroger sur le lien entre islam et violence conduit à s’interroger sur la place des musulmans en France. […]

Désormais, l’inquiétude au sujet de l’islam et des musulmans de France est devenue un thème plus diffus, moins marqué politiquement, qui va au-delà des familles idéologiques, et donc qui n’est plus sensible à un traitement moralisateur ou culpabilisant (l’antiracisme ou les appels creux et donc vains au vivre-ensemble). Rien ne sert de cibler le FN, les thèmes qu’il a développés sont désormais dans le domaine public et le petit jeu de savoir qui est responsable n’a plus guère de sens. La parole s’est libérée et l’on se confronte aujourd’hui à l’islamophobie de l’honnête homme, au moment même où chacun a, par ailleurs, un honnête et bon copain musulman. […]

Un autre cliché veut que les musulmans ne condamnent pas le terrorisme. Mais Internet déborde de condamnations et de fatwas antiterroristes. Si les faits démentent la thèse de la radicalisation de la population musulmane, pourquoi sont-ils inaudibles ? Pourquoi s’interroge-t-on autant sur une radicalisation qui ne concerne que les marges ? Parce qu’on impute à la population musulmane une communautarisation qu’on lui reproche ensuite de ne pas exhiber. On reproche aux musulmans d’être communautarisés, mais on leur demande de réagir contre le terrorisme en tant que communauté. C’est ce qu’on appelle la double contrainte : soyez ce que je vous demande de ne pas être. Et la réponse à une contrainte ne peut être qu’inaudible. Le texte intégral

Source illustration : cliquer ici

A notre avis

Qu'il nous soit permis d'exprimer une réserve sur ce texte, au demeurant remarquable d'intelligence quant à ce qui travaille, de façon si biaisée ou, hélas, si peu biaisée aussi, tant d'esprits en France sur "ce que sont les musulmans" : tout à sa légitime déconstruction de l'idée qu'il y aurait une communauté musulmane par où s'insinue cette autre idée mortifère que "le" musulman "serait porteur d’un logiciel coranique implanté dans son subconscient qui le rendrait, même modéré, inassimilable", Olivier Roy conclut qu'"on ne cesse de parler de cette fameuse communauté musulmane, à droite comme à gauche, soit pour dénoncer son refus de vraiment s’intégrer, soit pour en faire une victime de l’islamophobie. Les deux discours opposés sont fondés en fait sur le même fantasme d’une communauté musulmane imaginaire."

On peut contester que les deux discours cités convergent, par-delà leur opposition irréductible, en ce qu'ils convoqueraient le même fantasme communautaire. Il y a en effet un discours anti-islamophobe qui, loin de recourir à l'idée d'une victimisation communautaire des musulmans fondée sur la réalité de ladite communauté, procède d'une démarche inverse, celle de nier que l'islamophobie soit fondée en réalité : elle l'est en fantasme. Lequel fantasme est, bien entendu et malheureusement une réalité, mais qui renvoie à celle que certains ont dans leur tête et non dans ce qui serait objectivé dans la réalité "extérieure", si l'on veut bien m'accorder cette simplification... des choses. N'oublions pas cependant que cette réalité fantasmatique d'une communauté soumise à phobie se double d'un versant "réel objectif" et réactif : celui de ces coups de feu tirés contre des mosquées, des têtes de porc exposées aux portes de celles-ci ou encore des agressions à répétition contre des femmes voilées. 

Donc, pardon de devoir mettre le doigt sur une faille d'un si pertinent texte, mais il serait dommageable qu'à vouloir déchirer le... voile par lequel les musulmans se donneraient à voir, malgré eux, comme un collectif étranger à un "nous" (lui aussi désastreusement fantasmé), comme étrangers à eux-mêmes, à la conscience qu'ils ont de soi, on en vienne à brouiller que le refus de l'islamophobie n'a aucunement, par nécessité, à être tributaire du concept de communauté; que, de fait, il n'est, pour une grande partie de ceux qui en sont les vecteurs, absolument pas tributaire de ce concept. Un concept parmi les plus trafiqués en particulier par les faussaires de la laïcité.

Il y a bien une opposition à l'islamophobie qui ne fait communauté de rien avec ce qu'elle refuse dans l'ostracisation des musulmans.

Antoine

Précision (11 janvier) : qu'il existe une proposition communautaire musulmane, qui s'incarne dans les représentants des mosquées et d'une grande variété d'associations, ne doit pas nous faire prendre la partie, les parties, pour le tout ni l'offre pour la demande. Ces structures "sont là" et participent d'une sorte de "conscience adjugée", d'une conscience possible" (pour reprendre la terminologie de marxistes comme Lucien Goldmann), dans laquelle des musulmans sont "invités" à se reconnaître et dans laquelle ils se reconnaissent probablement à certains moments, dans certaines catégories sociales, de façon partielle... Toutes caractéristiques qui devraient inciter à éviter d'"amalgamer" pour construire de façon fixiste "la" communauté musulmane comme on entend parler "du" voile, de "l"'islam... Cette mécanique de l'essentialisation est redoutable et a happé une partie de la gauche en la tirant vers le fonds de commerce idéologique de la droite et de l'extrême droite. C'est pourquoi le travail d'analyse d' Olivier Roy est précieux...

 Extrait de l'entrevue d'Olivier Roy (Olivier Roy: «La communauté musulmane n'existe pas») sur Mediapart (11 janvier 2015)

Aujourd'hui, même des intellectuels antiracistes se demandent : est-ce qu'il n'y pas quelque chose dans l'islam qui mène à ce genre de massacres ? Jusque-ici, cette interrogation était réservée à certains pôles idéologiques : les populistes anti-immigration, la droite identitaire anti-islam et même une frange de la laïcité militante. Maintenant, cette idée est devenue un cliché et ce genre de parole s'est libéré, notamment depuis le débat sur l'identité nationale lancé par Sarkozy. C'est devenu le nouveau politiquement correct, même si des journaux comme Causeur continuent d'affirmer qu'ils brisent les tabous et le politiquement correct en posant ce type de questions. 
 
Or, tout ce discours essentialiste n'est fondé sur aucune réalité sociologique, mais valorise une lecture théologique qui n’est que l’addition de quelques clichés sur la nature de l’islam (« en islam il n’y a pas de séparation entre religion et politique ») empruntés justement soit aux fondamentalistes eux-mêmes, soit à un orientalisme désuet. On ne s’intéresse pas à l’islam réel, c’est-à-dire à la religiosité et à la pratique concrète des croyants, dans leur diversité. […]

On refuse de voir la présence des classes moyennes musulmanes dans notre société, en partie parce qu'elles ne veulent pas être vues. Mais la montée de ces classes moyennes est flagrante. On n'a pas besoin de statistiques ethniques pour prendre un annuaire et voir le nombre de médecins avec un nom arabe dans une ville moyenne, consulter la liste des professeurs d'un collège de province ou le nom des conseillers financiers d'une agence bancaire de la banlieue ouest parisienne.

Ces gens-là ne veulent pas être communautarisés et ne veulent pas parler au nom d’une communauté. Pourtant, on ne cesse de les renvoyer aux quartiers difficiles. Dans une ville comme Dreux, que je connais bien, les maires, de droite ou de gauche, ont longtemps systématiquement mis le conseiller municipal d'origine arabe adjoint aux sports ou aux quartiers (cela a changé) !

La machine à communautariser vient de la manière dont la République réduit ces classes moyennes musulmanes à des rôles de « grand frère », tout en maintenant à bout de bras des institutions soi-disant représentatives de l'islam de France, qui viennent de l'étranger et ne représentent pas cette classe moyenne intégrée et en ascension.

On va pécher ici et là des « imams modérés » pour détourner les jeunes du djihad, lesquels imams parlent à peine le français, comme Hassen Chalghoumi, l'imam de Drancy. Alors que les jeunes djihadistes radicalisés qui parlent, eux, un meilleur français sont peu susceptibles de suivre ce genre de sermons. On ignore aussi les « vrais » modérés qui vivent tranquillement sans chercher le micro inquisiteur qu’on tend à longueur de pseudo-reportages dans les banlieues.

Mais il n'existe pas de travail sérieux, ni politique, ni journalistique, ni, sociologique sur les classes moyennes musulmanes. Les seules représentants de ces classes moyennes qu'on aperçoit sont des femmes politiques, comme Vallaud-Belkacem, Bougrab ou Dati, dont on ne cesse de souligner qu'il s'agirait d'exceptions, parce que femmes. […]

C'est un fait. Il n'existe pas de communauté religieuse fondée sur l'islam, ni au niveau institutionnel, ni au niveau des écoles, ni en ce qui concerne les associations, et c'est plutôt une bonne nouvelle. Pourtant le gouvernement et les médias n'ont que ce mot à la bouche, tout en voulant lutter contre le communautarisme.

 
Or, si 30 % des enfants juifs seraient scolarisés dans des écoles confessionnelles (selon L’Arche n°555, mai 2004), le chiffre concernant les musulmans ne doit pas dépasser les 0,1% vu qu’il n’existe pas plus de 10 écoles confessionnelles musulmanes en France, les parents préférant d’ailleurs envoyer leurs enfants dans les écoles catholiques.

Il n'y pas, chez l'immense majorité des musulmans, de désir de communautarisation, et si le Ramadan est le rite le plus respecté c’est parce qu’il remplit aussi une fonction conviviale dans des espaces en crise de convivialité ; dire que le Ramadan est une pratique communautaire c’est comme si on disait que Noël pour les chrétiens ou les festnoz pour les Bretons sont du communautarisme (il y en a qui le disent).

On ne sait même plus faire la fête, comme aurait dit Charlie….

Intégralité de l'entrevue (accès réservé aux abonnés) 

 11 janvier


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Je ne doute pas qu’il existe des « Charlie » sympathiques et plein(e)s de bonnes intentions. Je suis inondé, comme tout le monde, de leurs courriels indignés. Je n’en suis pas.

Je ne suis pas Charlie, parce que je sais que l’immense majorité de ces Charlie n’ont jamais été ni Mohamed ni Zouad, autrement dit aucun de ces centaines de jeunes assassinés dans les banlieues par « nos » policiers (de toutes confessions, les flics !) payés avec « nos » impôts. Si je recours aux outils du sociologue, je comprends pourquoi il est plus immédiatement facile pour des petits bourgeois blancs de s’identifier avec un dessinateur connu, intellectuel et blanc, qu’avec un enfant d’immigrés ouvriers du Maghreb. Comprendre n’est ni excuser ni adhérer.
Je ne suis pas Charlie, parce que je refuse de me « rassembler », sur l’injonction du locataire de l’Élysée, avec des politicards, des flics et des militants d’extrême droite. Je ne parle pas en l’air : une connaissance m’explique que sur son lieu de travail, ce sont des militants cathos homophobes de la dite « Manif pour tous » qui s’impliquent dans l’organisation d’une minute de silence pour l’équipe de Charlie Hebdo. Cliquer ici





Demain des gens manifesteront aux côtés de ceux qui ont permis à des nouveaux nazis de répandre partout leurs idées nauséabondes. Les producteurs et journalistes qui ont rendu populaires ceux qui imaginent la « déportation » des Musulmans seront dans la rue. Ils se sont engraissés d’une audience bien rentable et jouent la colère contre les conséquences de ce qu’ils ont mis en place.
Demain, mes amis socialistes, écologistes, communistes et du Front de gauche iront manifester avec la droite. Je leur souhaite d’y prendre du plaisir car bientôt, ils seront réduits à voter pour elle. Cliquer ici

Lu sur la page Facebook de Denis Robert


On n'est pas obligés d'être d'accord avec tout ce qui y est écrit mais cela mérite d'être lu : Je ne suis pas Charlie Par Bruno Bertez

Et encore 




Ça crayonne dur pour Charlie



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