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La Loi Travail au menu du Café Motivé-es du NPA 34


Loi Travail, Loi capital(e)

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A lire ci-dessous l'appel de la Coordination Etudiante des 2 et 3 avril
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Notes librement inspirées de l'exposé de  notre camarade inspecteur du travail Simon Picou lors du Café Motivé-es de ce 1er avril


 
 Ce projet de loi qui s'attaque au Code du Travail doit être saisi dans la continuité de trois autres réformes du quinquennat "socialiste" : l'ANI, la loi Macron et la loi Rebsamen... Car c'est bien une logique d'ensemble qui est à l'oeuvre. Profitant d'une crise économique, commencée en 2007-2008, sans que jamais ne s'affirme un redémarrage économique, "l'ennemi déclaré de la finance" et sa bande ont assumé, sans état d'âme, de répondre aux voeux du patronat exprimés technocratiquement en termes de "baisse du coût du travail", en clair l'augmentation du taux d'exploitation des salarié-es !  Cette politique (une violente "économie politique") d'ensemble conduit à ce que cette loi Travail, en fait loi Capital, cherche à faire sauter le verrou que constituent encore le Code du Travail et les protections et droits conquis par les luttes ouvrières qu'il inclut.


Ce que l'on appelle communément la "crise" exprime ainsi, merci les "socialistes", plus crument que jamais ce qu'elle est, par-delà les brouillages idéologiques, à savoir l'agent de régulation "naturel" (historique), chaotique et coûteux pour les populations, du mode de production capitaliste. Le Medef et ses relais médiatiques peuvent toujours jouer les pleureuses sur le sort des petits patrons et des artisans accablés et percutés par les "charges" qui "feraient" la crise, il est dans l'ordre des choses de leur système qu'il faille détruire le capital excédentaire, y compris de quelques "gros", lequel capital, précisément par cet excédent qui le caractérise, parasite en effet la loi de profitabilité maximum des autres !


Salarié-e, "chère" variable d'ajustement...


Il se trouve pourtant que les principaux perdants de ce fonctionnement par la destruction de capital et donc la disparition d'unités de production ou de services, ce sont évidemment les salarié-es en ce que "la crise", qui n'est pour sûr pas la leur, les transforme en toujours plus précaires ou chômeurs, avec une attention particulière pour ces "maillons faibles" que sont, dans cette logique, les jeunes et les femmes ! Sans parler du sort réservé, à large échelle, mondialisation oblige, aux migrants/immigrés... En évoquant cela nous n'avons pas perdu de vue la loi Travail dont la raison d'être est de s'inscrire pleinement dans cette systémique "régulation dérégularisante", "Vive la crise !", et de donner le maximum de pouvoir aux patrons pour organiser la relation de travail selon leur bon vouloir, lequel indexé sur la pression à la baisse sur les salaires, n'aspire qu' à reconstituer les profits et à verser de généreux dividendes !

Tout cela, sous l'égide d'une Europe formatée, au nom de la sacrosainte compétitivité, à soumettre le Travail au Capital au prix d'un développement exponentiel des inégalités et de la pauvreté. Voir le sort réservé aux Grecs par la Troïka. Facilitation des licenciements, inversion du principe de faveur ou inversion de la hiérarchie des normes... ces caractéristiques de la Loi Travail proposée ont pour origine l'UE, ce laboratoire où s'élaborent, avec la collaboration étroite de chaque gouvernement, les recettes du détricotage des droits sociaux et où s'établit l'effet domino par lequel chaque pays est appelé à s'aligner a minima sur les voisins austérisés. Cela a été assez dit et même officiellement reconnu, avec la Loi Travail, la France se mettrait au régime espagnol des réformes du travail dont les Indigné-es ont pourtant pointé de façon éclatante qu'elles sont une arme de destruction radicale de ce qui permet tant bien que mal de vivre ou même seulement de survivre !


Une loi Travail ... anti-hiérarchique - énorme - qui fait saliver les patrons !

Regardons de plus près le projet de Loi Travail qui mobilise à bon droit tant d'oppositions. Le coeur de ses propositions réside dans le nouveau périmètre de référence pour la définition des normes liées au travail par un déplacement dépossédant les salarié-es du bouclier que les luttes sociales ont permis, vaille que vaille, d'inscrire dans la loi : loi qui, sauf accords d'entreprise ou de branche plus favorables, prime jusqu'ici sur ceux-ci. C'est désormais l'inverse qui est prévu : l'entreprise, et non plus le politique dans sa dimension législative, toute limitée,  souvent toute contreproductive pour les salarié-es, qu'elle soit, devient le lieu où se négocient les accords avec, pour couronner le tout, le contournement des contre-pouvoirs syndicaux, établis par les élections professionnelles, grâce à des référendums qui deviendraient l'arme absolue par lesquels les patrons imposeraient leurs chantages antisociaux "pistolet sur la tempe" avant licenciements massifs, voire fermeture totale des boîtes !


Ce chamboulement de la hiérarchie des normes repose sur la monumentale esbroufe néolibérale de l'entreprise conçue comme lieu de citoyenneté où règnerait l'harmonie des gens de bonne volonté, ayant tourné la page de l'archaïque lutte des classes. Fable démentie au quotidien par le constat que l'entreprise est au contraire l'espace où le rapport de force, construit depuis des décennies par le patronat, est le plus défavorable aux travailleurs, surtout dans le contexte de défaites ouvrières cumulées sur plus de 30 ans et d'un chômage touchant 5 millions de personnes. Accepter ce point central du projet de loi consacrerait une défaite essentielle, couronnant exponentiellement les reculs subis jusqu'ici, car, par la diversification induite des situations de travail d'une entreprise à l'autre,  l'organisation des ripostes collectives inter-entreprises s'en trouverait rendue encore plus difficile qu'aujourd'hui. On comprend que Gattaz, quoiqu'il dise regretter les (petites) concessions gouvernementales aux mobilisations, tienne à cette clause de la réforme ! Très clairement, nous mesurons ici à quel point les socialistes sont aux avant-postes, en concurrence directe avec la droite, dans la destruction des points d'appuis encore en place par lesquels les travailleurs pourraient se (re)constituer comme classe combattant pour le maintien et, à terme, le renforcement de ses droits et, le cas échéant, pour une autre société !


Père Ubu : Licencier pour lutter contre le chômage...


Pour ne prendre que ces exemples, le nouveau dispositif "travail" autoriserait des licenciements sur la base de quatre trimestres successifs de baisse des commandes ou du chiffre d'affaires au niveau d'une entreprise sans prendre en considération la situation de l'ensemble du groupe. Or il est de notoriété publique, comme l'exemple de Total le prouve, que la création de déficits "locaux" artificiels est un jeu d'enfant dont les patrons ne se privent pas! La médecine du travail serait, quant à elle, terriblement impactée par la binarité qui lui serait imposée de déclarer les salarié-es en "aptes" ou "inaptes" à occuper leur poste de travail ouvrant par là, dans ce second cas, sur plus de possibilités de licencier au lieu que soient privilégiés des aménagements de postes !

Sur la mobilisation en cours, l'élément déclencheur tient probablement à la sous-estimation par le gouvernement de la colère "rentrée" du monde du travail mais aussi des étudiants et des lycéens soucieux de ce que leur réserve le "marché du travail". Marché du travail auquel, au demeurant, les premiers sont, pour 40 % d'entre eux, déjà confrontés pour financer leurs études. Retenons au passage que "40% de 2.500.000 étudiants, c’est un million de salariés qui sont aussi étudiants, soit 5 à 6% du champ soumis au droit du travail" ! (voir Robi Morder : Etudiants, salariés, lois sur le travail : ce n’est pas la première fois que la gauche déçoit la jeunesse étudiante). L'ampleur et la brutalité d'une attaque frontale contre le Code du Travail, tranchant, c'est dire, avec la méthode, par comparaison plus "de biais" de l'agression portée par la réforme Macron, ont été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase dans un contexte de décrédibilisation accélérée de gouvernants piochant dans les registres de la droite et de l'extrême droite des mesures (état d'urgence et déchéance de nationalité) contribuant à durcir les rapports sociaux et à mettre en péril les droits démocratiques, et, aussi décisifs et corrélés à eux, les droits sociaux.



Cesser le travail pour le défendre ! 

Le fait est que nous sommes en présence des manifestations les plus importantes depuis 2010 (réforme des retraites), qui prennent une dimension globalisante inattendue ciblant directement le gouvernement et, particulièrement, la subordination totale du politique que son projet de Loi Travail déclare vis-à-vis de la classe patronale. On notera que, à la différence de 2010, les organisations syndicales impliquées dans la mobilisation, débarrassées de la paralysie créée alors par la volonté de préserver "un syndicalisme rassemblé" et une unité désastreuse avec la CFDT, réclament le retrait pur et simple du projet de loi. Les manifestations organisées à ce jour s'inscrivent dans une dynamique d'élargissement de la mobilisation. Mais il ne faut pas hésiter à dire que ces atouts recèlent le risque que se répète l'autre facteur de l'échec de 2010 : une répétitivité de manifestations atteignant d'autant plus vite ses limites à entraîner toujours plus largement des secteurs de la société qu'est délaissé tout travail de préparation et d'organisation du blocage de l'économie. Or, il est vital que les manifestations puissent s'adosser à l'entrée en grève reconduite coordonnée de secteurs grandissants du monde du travail, seule en capacité de faire reculer le gouvernement et le patronat. Reconnaissons-le, malgré l'heureuse surprise de la massivité de l'actuelle mobilisation, rien n'est plus difficile que de faire entrer en grève un monde salarié encore sous le coup de graves défaites. D'où l'importance que celui-ci perçoive la disponibilité syndicale à aller très loin en organisant des caisses de grève, en définissant éventuellement un plan de grèves tournantes par secteurs mais avec la perspective du passage au "tous ensemble" au jour J.

 Evidemment cette stratégie envoyant ouvertement au gouvernement le signal que la grève générale et le blocage de l'économie sont en préparation n'a aucune chance de voir le jour si les militants politiques et syndicaux dans les lieux de travail et d'études ou même dans les échelons intermédiaires des structures syndicales ne poussent pas dans ce sens. En établissant ainsi ce qu'il faut bien appeler un rapport de force interne à la mobilisation ! Dans l'immédiat il convient donc de ne pas surestimer l'état actuel de la mobilisation, certes importante mais ne constituant pas encore le raz-de-marée espéré, et il est urgent de créer les cadres unitaires permettant de porter ces perspectives en faisant des prochaines manifestations, le 5 et le 9 avril, des occasions de populariser la nécessité de franchir un seuil politique et syndical qualitatif sans lequel il est illusoire d'espérer gagner face à un pouvoir qui joue le pourrissement de l'opposition à sa politique. L'organisation en AG de villes comme le lancement des occupations de places sur le mode "nuit debout" doivent également être investies comme autant de leviers pour asseoir et surtout élargir l'action. La question des secteurs (SNCF, Poste, etc.) qui pourraient être moteur pour lancer cette logique d'une montée en spirale des grèves a été discutée dans la deuxième partie de ce Café Motivé-es en s'appuyant, sans en tirer des conclusions mécaniques pour le présent, sur les enseignements donnés à ce sujet par le mouvement de 2010.




Ce débat a, par ailleurs, permis d'apporter des éclaircissements sur ce que signifie le projet de Loi Travail pour la Fonction Publique qui reste une composante majeure de toute stratégie de mobilisation radicale contre la politique des Hollande, Valls, Macron...Gattaz dont la capacité de nuisance atteint également le secteur public ! Ont été précisées aussi des questions comme le Compte Personnel d'Activité (CPA) dont, pour l'instant, le projet de loi ne dit rien. On peut cependant pointer qu'il acclimate l'idée de l'inévitabilité des licenciements en enfermant paradoxalement chacun/chacune dans une logique de "crédits" dépendants de la boîte où l'on bosse. Pas de quoi contribuer au développement de l'idée que l'on gagne à faire collectif pour lutter contre les destructions de postes de travail !


Bref, une soirée qui, conclue sur une belle convivialité autour d'un repas partagé, s'est avérée riche pour la réflexion et l'action des jours à venir.

Correspondants NPA 34



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Nous, étudiant-e-s mobilisé-e-s contre la loi travail, réuni-e-s en coordination nationale étudiante, représentant 70 universités et établissement d’enseignement supérieur, appelons au retrait total et sans négociation du projet de loi travail. La journée du 31 mars a été une grande réussite dans toute la France : près de 1,2 millions de personnes ont manifesté leur colère et leur refus de cette loi antisociale. Depuis maintenant trois semaines, ce sont des centaines de milliers d’étudiant-e-s, lycéen-ne-s, salarié-e-s et chômeur-se-s qui se mobilisent malgré les vaines tentatives de l’Etat de diviser et réprimer le mouvement. Aujourd’hui, alors que Manuel Valls joue la carte de la négociation avec certaines organisations syndicales, nous réaffirmons que ce mouvement s’auto-organise en Assemblées Générales et en Coordination : seul le mouvement saurait se représenter lui-même. 

            Cette loi s’inscrit dans une continuité de politiques pro-patronales mises en place par les gouvernements successifs. Elle vise à faciliter les licenciements économiques, la hausse du temps de travail, la baisse des droits des travailleur-se-s. Seul le retrait total est une issue acceptable face à la précarisation généralisée prévue dans ce projet de loi. Cliquer ici

Agenda Montpellier


Après avoir soutenu avec enthousiasme la première version de la loi El Khomri, le patronat s’est empressé de déplorer les légers reculs imposés au gouvernement par le succès de la pétition contre cette loi, avec son plus d’un million de signatures, et de la première journée de mobilisation du 9 mars...
Quelques jours avant la présentation du projet de loi devant le Conseil des ministres, sept organisations patronales (l’Afep1, la CGPME, CroissancePlus, Ethic2, la FNSEA, le Medef, le Meti mais pas l’UPA3), ont rendu publique une lettre commune, « Non à la loi El Khomri remaniée. Oui à une loi utile pour l’emploi », afin d’inciter, sous forme de six propositions, les parlementaires et le gouvernement à tenir le cap libéral de la loi travail, en particulier en ce qui concerne le temps de travail. Cliquer ici


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