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Quand les marchands d'école aiment "la" pédagogie...


 Montpellier, un rendez-vous important

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 Luttons pour "une éducation réellement émancipatrice, loin, le plus loin possible du marketing pédagogique et des éléments de langage managériaux ou électoralistes qui ne devraient pas avoir leur place dans l'école"

Dans une tribune parue en octobre 2016, Laurence de Cock et Grégory Chambat, dénonçaient avec force une « nébuleuse nostalgique » et réactionnaire qui avait envahi le débat public sur l’école. Leur texte se donnait pour objectif d’y voir plus clair dans des enjeux à la fois politiques et pédagogiques que certains s’évertuent à rendre illisibles. Il défendait le projet d’une pédagogie critique et d’une école émancipatrice. 

Une telle conception de l'éducation est à l'opposé du projet de la Fondation Espérance Banlieues (lire le précédent article de cette édition) qui, profitant de la campagne électorale, lance une offensive de communication. Parmi les personnalités signataires d'un appel à soutenir le réseau d'écoles privées figure un certain Andreas Schleicher, qui est à la tête de la Direction de l’Éducation et des Compétences de l'OCDE (Organisation de coopération et développement économique). C'est ainsi l'un des principaux représentants de l'offensive néolibérale sur l'école qui se trouve associé à une organisation s'appuyant sur une idéologie réactionnaire, tout en se présentant, comble de l'audace, comme "un modèle pédagogique innovant pour les enfants des quartiers en grande urgence." 

Cet appel, son argumentaire, et la liste de ses soutiens plus ou moins prestigieux est pour nous, enseignant.e.s, pédagogues soucieux d’égalité et d’émancipation, un indice : les réactionnaires d'Espérance Banlieues et les libéraux "innovants" ont en commun le mépris du service public d'éducation. Leur discours est habilement pensé, mais ne nous y trompons pas : leurs projets "pédagogiques" sont avant tout conçus comme des offensives destinées à subvertir l'idée de bien commun. Ils se placent dans une logique consumériste, contribuant à créer une demande à laquelle ils s'offrent généreusement de répondre. Pour ce faire, ils profitent des dysfonctionnements réels de l’Éducation nationale, quand cette dernière ne leur ouvre pas d'elle-même ses portes. Cliquer ici

 En août 2016 nous avions mis ceci sur le blog où nous avions croisé déjà Teach for France (TFF) très soucieux de la formation des maîtres !


  
 Nous avons reçu ceci...
 
Le capitalisme développe une nouvelle filière pour son économie: l'enseignement ou formation initiale

 « la journée académique de la pédagogie se tiendra le samedi 25 mars 2017 à l’École Nationale Supérieure des Mines de Saint Étienne - Campus Georges Charpak Provence à Gardanne de 9h à 17h.
Fonctionnant comme un salon de la pédagogie, elle permet aux équipes de présenter leurs actions, et aux établissement de valoriser leurs projets pédagogiques. Lors de l'édition 2016, plus de cent dix stands illustrant le travail mené par les enseignants sur le terrain ont ainsi été proposés, et plus de six cents professionnels de l'éducation ont participé à cette journée qui a été unanimement plébiscitée.
Des tables rondes et des conférences pourront alimenter la réflexion et les échanges. En fin de journée, une remise de prix par Monsieur le Recteur, viendra clôturer la manifestation et distinguer les projets pédagogiques les plus intéressants. »

Cette « journée de la pédagogie », une parmi d’autres, qu’elles s’appellent forums, salons ou foires et qui ont lieu dans toute la France, illustre l’orientation que prend l’Education Nationale avec la loi de Refondation, celle de diversifier au maximum l’offre de projets pédagogiques s’appuyant sur ces foires d’un nouveau genre. C'est l’une des expressions de la nouvelle marchandisation de l'enseignement. Le marché du projet pédagogique se met en place.

La France se positionne dans ce marché

Avec la multiplication des logiciels éducatifs, didactiques, pédagogiques..., la France va très vite pour se positionner dans ce grand marché de l'éducation qui s'amorce. Le rapport investissement/profit pour l'éducation, préconisé par l'OCDE, est de 1/7 (voir la contextualisation de Franck Lepage dans sa "conférence gesticulée" https://www.youtube.com/watch?v=Pr4NlZxztqs).

Ainsi, après le pschitt de la bulle du numérique, le pschitt de la bulle immobilière, s'avance le pschitt de la bulle de l'enseignement. Les enseignants, en tant que premier maillon de cette nouvelle « filière » qui se met en place sont les premiers sollicités pour faire valoir leur produit sur ce nouveau marché. Mais bien sûr sous haute surveillance... par notre hiérarchie qui est pressentie (au travers de l’évaluation) pour former les enseignants à vendre ce qu'on leur demande de vendre désormais avec la loi Peillon: les projets qui s’appuient sur des compétences. Les enseignements disciplinaires programmatiques sont ringardisés. Les compétences ont l’avantage de pouvoir se diversifier à l'infini, petites ou grandes, transversales, communes, spécifiques, qui forment des blocs mais surtout qui peuvent se décliner sous forme de  projets, de projets, de projets qui ont l’avantage de pouvoir se « vendre » et qui forment donc une nouvelle marchandise monnayable, nouvelle source de profit pour un système capitaliste à bout de souffle jamais à court d’idées catastrophiques.

La place de la numérisation et des pédagogies dans cette nouvelle bulle marchande

La France ne va pas fort au plan économique et surtout investissement industriel. Avec la numérisation, qui tente de structurer le plus vite possible (pendant cette période électorale) et à tous les niveaux ce nouveau marché aux projets (nouvelle mission de l’Education Nationale), elle veut être aux avant-postes de cette nouvelle compétition au niveau mondial. Et elle compte bien, ce faisant, damer le pion aux autres pays occidentaux. D'où cette rapidité dans la mise en place de la loi de Refondation et de ces « foires » aux projets, qui doivent se mettre en place le plus vite possible. Nos inspecteurs pourront ainsi faire rentrer le plus possible d’enseignants dans cette nouvelle compétition, et le plus vite possible, avant que la contestation et/ou la prise de conscience ne se développe.

Les courants pédagogiques à leur détriment, rentrent eux aussi dans cette compétition aux projets. Un « festival » (un terme loin d’être anodin) des pédagogies alternatives à Montpellier existe déjà, et d’autres moins publicités. Et faisant feu de tout bois, et dans un but évident de récupération, la loi de Refondation s’en empare pour que le système commence à exploiter, dans chacune d’elles, ce qui va dans le « bon » sens de l’enseignement marchandisé.

Des méthodes détournées au profit de la marchandisation et de l’économie de moyens

Bizarrement, les méthodes Freinet, Montessori, Steiner, sont tout à coup valorisées, mises au devant de la scène. Elles ont l’avantage de constituer des projets clés en main pour entrer dans cette course aux projets. Et compte tenu de la passion qui anime leurs détracteurs souvent militants, elles peuvent constituer un puissant moteur pour cette compétition qui est en train de se mettre en place. Et un piège pour nombre d’adeptes qui vont vouloir croire que le système les a choisis quand ce même système ne choisit que certains aspects dans le but d’en tirer profit, et de monnayer ce qui peut l’être.

Il est important de prendre la mesure des éléments que notre administration veut retenir de ces pédagogies. Car il s’agit de ceux qui vont dans le sens de cette nouvelle stratégie de la loi de refondation qui s’applique de plus en plus sur la base de toujours plus d’austérité, à savoir :

·       la multiplication des niveaux dans nos classes, auxquels s’ajoutent l’intégration du handicap, qui permet d’augmenter les effectifs dans le but de supprimer des postes et des établissements / école (des milliers depuis 20 ans);

·       le fonctionnement sur la base de projets, qui introduit le facteur comptable et marchand dans le quotidien des établissements/écoles et surtout des maîtres, et qui deviennent le sujet privilégié de discussion dans les écoles ;

·       le partenariat avec les parents, les collectivités, les associations, les entreprises et tous ceux qui veulent, ce qui relativisent la place du maître dont le rôle peut maintenant être questionné par tous ces nouveaux partenaires auxquels il doit commencer à rendre des compte : en tour premier à la commune, au travers de son PEDT (projet éducatif territorial).

Ainsi la marchandisation exploite les éléments qui lui conviennent. Mais il est clair que ces nouvelles bases de fonctionnement qui découlent de la loi Peillon, se fracassent déjà contre le problème numéro 1 des enseignants que constitue l’augmentation des effectifs dans les classes et que tous les enseignants expérimentent actuellement dans le primaire comme dans le secondaire. Le problème de la pédagogie contre le problème des effectifs ressort plus que jamais. Celui des effectifs doit redevenir le mot d’ordre de tous.

Aux enseignants de se vendre avec leur projet

Aux  enseignants, il revient maintenant de savoir se vendre; d’appliquer la nouvelle stratégie de marché de l'éducation ; et en fin de compte, aux enseignants de « monnayer » au propre et/ou au figuré leur propres projets. Les salaires moyens des enseignants, très bas par rapport aux qualifications exigées, seront la clé de la réussite de cette nouvelle stratégie. Car une politique de carotte et de bâton, de nouvelle rémunération indemnitaire, se met en place dans l’Education Nationale pour structurer une nouvelle hiérarchisation à laquelle l’Education Nationale échappait en partie jusqu’à présent. Des indemnités, qui viennent d’ailleurs tout récemment d’être attribuées à tous nos supérieurs hiérarchiques par décrets et arrêtés, et qui seront gérées et réparties localement.

L’enseignant nouveau gestionnaire comptable

Les associations mais aussi les entreprises deviennent partenaires de l’éducation (les accords se multiplient dans le BO), et les enseignants vont être notés en fonction de leur bonne volonté de se plier à ce partenariat comme stipulé dans le référentiel des compétences. Partenariat dont le mot cache la notion plus capitaliste de : « Comment tirer profit de cette nouvelle bulle de l’enseignement qui s’ouvre à la marchandisation ? » Les multinationales, les entreprises petites et grandes s’engouffrent déjà dans ce marché de la pédagogie. Dans nos écoles les offres (payantes et parfois très chères), se démultiplient  à tous les niveaux, dans tous les domaines. Il est difficile d’y résister tant l’aspect clé en main des projets qu’on nous propose est alléchante. Et la boucle est bouclée qui transforme l’enseignant en nouveau gestionnaire d’un budget de plus en plus privatisé, de moins en moins nationalisé, alloué par les désormais partenaires que sont les communes ou communautés, départements, régions, mais aussi les associations de parents d’élèves, en attendant d’autres associations ou entreprises qui ne tarderont pas à s’introduire là où c’est possible avec la publicité et toute la corruption qui va avec. 

Marie Contaux
 
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Extraits de notre programme


 
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