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Catalogne. Mobilisations pour les prisonniers politiques et pour la République

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11 mars

  "Presos polítics, llibertat" (Prisonniers politiques, liberté),"Ni un pas enrere" (Aucun pas en arrière)

Des milliers de personnes manifestent à Barcelone pour exiger un Govern qui mette en place la République 

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A lire ci-dessous : Une radicalité de la rue qui tranche avec les jeux d'appareil au Parlament (Antoine)

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La manifestation était appelée par l'ANC (Assemblée Nationale Catalane) autour du slogan "la République maintenant" et avec l'exigence de libération des prisonniers politiques et le retour des indépendantistes exilés. 

Etaient représentés les trois partis indépendantistes (JxCat, ERC et la CUP), qui sont toujours en train de négocier la majorité parlementaire permettant de voter l'investiture du nouveau President de la Généralité. La CUP maintient toujours sa position d'abstention au vu de la plateforme d'accord que les deux autres composantes lui font et qu'elle juge insuffisante car elle est muette sur le processus constituant à mettre en place pour avancer vers la République et elle souffre d'un déficit de mesures sociales. Mesures que les cuperos jugent incontournables pour que la République soit populaire.

Les drapeaux indépendantistes (la estelada avec l'étoile bleue) et les rubans jaunes de soutien aux prisonniers politiques étaient omniprésents. Compte rendu à partir de l'article de El Confidencial (cliquer ici).

Les indépendantistes exigent dans la rue un nouveau Govern qui mette en place la République !


Le rassemblement s'est tenu à proximité du Parlament catalan où devait  se tenir la séance d'investiture à la présidence de Jordi Sánchez, proposé par JxCat, ERC, mais cette séance a été repoussée jusqu'à la réponse du Tribunal Européen des Droits Humains qui a été saisi par ledit Jordi Sánchez pour contester le refus du juge du Tribunal Suprême de le libérer pour recevoir cette investiture.

Plusieurs personnes, victimes de la répression de l'Etat espagnol, sont intervenues pour expliquer "qu'elles ont pris des risques (en faveur de l'indépendance) et qu'elles veulent que leurs représentants prennent aussi des risques" ! Un des responsables de l'ANC s'est aussi écrié "Mais putain qu'est-ce qu'ils font, ils nous cachent quelque chose" en visant l'incapacité des partis indépendantistes à signer un accord d'investiture. Le même a ajouté "La souveraineté n'est pas quelque chose qui se demande, elle s'exerce" et a reproché à ces partis de mener des négociations entre eux en toute normalité alors qu'il n'y a pas un cadre de normalité. Et de lancer la dernière pique : "Que voulons-nous, tout de même pas un gouvernement de l'Autonomie, n'est-ce pas ? Bon, alors on se bouge, oui ou non ? " ! "Pour quoi on s'est mis en quatre et surtout pour quoi subissons-nous des représailles ? Pour rien ?" et de lancer en guise d'avertissement que la rue sait que l'on ne peut pas céder d'un pouce face à l'Etat mais que l'on ne voit pas que le Parlament manifeste la même détermination. L'unité, a -t-il enfin affirmé, c'est pour lancer un défi au Gouvernement espagnol.

C'est le vice-président de l'ANC qui a conclu la manifestation par ces termes plus institutionnels et moins critiques envers les partis indépendantistes mais tout aussi fermes sur le fond : "Nous avons la majorité au Parlament pour pouvoir mettre en oeuvre la République et il faut le faire immédiatement". 

Si l'ancienne présidente du parlement catalan, Carme Forcadell, était bien présente ainsi que deux consellers du précédent Govern, aucun des responsables des groupes parlementaires indépendantistes ne s'était déplacé.

Les slogans les plus repris étaient : "liberté pour les prisonniers politiques", "Puigdemont est notre président" et "ce n'est pas la justice, c'est une dictature". C'est au chant de Els Segadors qu'a pris fin le rassemblement.

Traduction libre de l'article de El Nacional à lire avec des vidéos à voir en cliquant ici

Une radicalité de la rue qui tranche avec les jeux d'appareil au Parlament  

A la lecture de ces deux comptes rendus de presse, l'un tiré d'un site opposé à l'indépendantisme et l'autre indépendantiste, réputé proche du PDeCAT, on relève la vigueur de la revendication de la République, tant chez les intervenants que chez les manifestants. C'est visiblement le secteur le plus décidé à garder le cap de la proclamation de l'indépendance qui a occupé la rue aujourd'hui. Plus remarquable encore est que cette radicalité revendicative n'hésitant pas à "secouer" les institutionnels de l'indépendantisme (parlementaires et partis) se manifeste lors d'un rassemblement d'une ANC, l'une des deux grandes associations populaires de l'indépendantisme, considérée comme proche de JxCat (un regroupement autour de l'ex président catalan, Puigdemont, issu, et distancié, du PDeCAT, centre droit, ayant succédé à CiU qui a gouverné la Catalogne pendant deux décennies) et donc peu portée, dans le contexte actuel, à mettre de l'huile sur le feu. Tout cela signe un certain agacement des bases indépendantistes que la direction de l'ANC semble vouloir prendre en compte, au moins verbalement. Pour chevaucher le tigre de la rue et ainsi pousser les parlementaires à faire au plus vite l'accord d'investiture ? Pour également faire pièce aux radicaux des CDR qui pourraient capitaliser ce mécontentement d'un peuple envers des jeux d'appareils jugés stériles ? 

Le fait est que le ton est donné par un surprenant appel à "faire République" sans plus attendre alors que le rapport de force le crédibilisant ne semble pas au rendez-vous. Reste que l'important est que soit rappelé que la rue est un acteur décisif du combat pour la République, sans lequel le mouvement pour l'indépendance s'enlisera dans l'institutionnalisme de la gestion d'une Autonomie à retrouver. Quelle sera la force politique capable de faire valoir que, tout en étant crédible sur le temps nécessaire pour reconstituer ce rapport de force, le cap doit être mis sur une dynamique de rupture et donc d'affrontement avec l'Etat espagnol se donnant tout de même les moyens de faire la jonction, sur le terrain social, avec des secteurs non-indépendantistes mais désireux d'en découdre avec ce système capitaliste corrompu et austéritaire ? Quelle force politique saura manier la dialectique des temps, celui d'une remobilisation à construire autrement que comme cela a été...gâché, après les 1er et 3 octobre dernier, combiné à celui d'une désobéissance civile et sociale mais aussi institutionnelle à organiser rapidement : depuis le Parlament comme dans la rue... ?

La responsabilité de la CUP, la seule à articuler la double nécessité d'un processus constituant et des revendications sociales clé, est, de ce point de vue, grande. Grande pour déjouer les attentismes et "timidités" de partenaires très, trop, vite tentés, comme l'ont compris ou pressentis les manifestants de ce jour, de composer avec l'adversaire et donc de se satisfaire que la rue ... reste à sa place, disons, que les gens les laissent gérer un conflit maintenu à très, très basse intensité et que les modes de gestion du capitalisme catalan reprennent leurs droits. L'indépendance, qui plus est, à charge fortement sociale, étant renvoyée aux calendes grecques... Il devrait être clair que si l'unité indépendantiste est décisive, elle ne peut pas se faire politiquement a minima sans que cela signifie l'avortement du procés. Retenons pour finir que ce qui s'est manifesté, au double sens du mot, aujourd'hui à Barcelone, peut être un indicateur qu'une frange importante de la population catalane, virtuellement moteur pour entraîner d'autres secteurs sociaux, est plus en écho qu'on ne le pense avec ce que d'aucuns qualifient de sectarisme ou irréalisme de la CUP. Et qui n'est que le maintien d'une ligne politique qui, pour être minoritaire aujourd'hui, pourrait gagner en influence en prouvant que, contrairement à l'idée reçue, la radicalité peut être la bonne réponse à la radicalité de ceux d'en face. A condition, certes, de prouver qu'elle a son propre réalisme dans la définition des rythmes de mobilisation qu'elle se donne.

Antoine 

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